Test | Armored Brigade 2

L’univers du wargame tactique accueille enfin dans ses rangs la suite de Armored Brigade, sortie le 19 novembre. Similaire au premier volet à plus d’un titre, son arrivée reste une bonne nouvelle pour les fans de la série comme pour un public nouveau, qui peuvent dorénavant profiter de ce wargame atypique avec un plus grand confort.

Présentation de la série

Membre éminent de la famille très sélecte des simulations tactiques, Armored Brigade est un wargame en temps réel exigeant, à l’approche lente, qui cherche à reproduire avec fidélité un champ de bataille grâce à la considération de nombreux paramètres en rapport avec le comportement des troupes, les différents blindages et munitions ou encore le terrain et ses influences. Différent à bien des égards d’un Combat Mission ou d’un Close combat, qui nécessitent un certain degré de micro-gestion, Armored Brigade possède une philosophie plus passive, avec des ordres généraux à communiquer à des unités qui se débrouillent seules selon les paramètres de mouvement et d’engagement choisis (les SOP, Standard Operating Procedures).

Pour mener une escouade vers un objectif A, vous cliquez sur l’objectif A. Et selon si vous avez paramétré l’unité sur une progression lente, avec recherche de couverture, ou une avancée rapide la fleur au fusil, elle choisira d’elle-même de passer par la forêt ou par la route. Je vulgarise ici et recommande de placer à minima deux ou trois points de passage afin de leur faire emprunter des routes spécifiques, mais le jeu est conçu pour aller à l’essentiel et vous éviter ce fardeau -pour beaucoup, mais moi j’adore- qu’est la gestion pointilleuse de vos troupes. Toujours dans cet esprit de macro-gestion, Armored Brigade adopte une posture plus extrême en ce qui concerne les combats. Impossible d’ordonner aux fantassins de s’allonger, de monter à l’étage d’une maison ou simplement d’attaquer une cible. Tout se déroule automatiquement selon les réglages des fameuses SOP (heureusement réglables à la volée).

Il en résulte une expérience radicalement différente d’un jeu tactique traditionnel. Plus détachée, plus abstraite, qui mise (presque) tout sur le positionnement de vos forces et la coordination d’un assaut général, à l’opposé des habituelles victoires individuelles. Pour appuyer davantage cette vision distante, le jeu simule les contraintes de la chaîne de commandement et accompagne chaque ordre d’un délai de traitement variable selon la qualité de la communication entre l’unité et son QG. Il vous faudra donc, malgré le déroulement en temps réel, plusieurs dizaines de secondes à quelques minutes pour qu’une unité prenne en compte les changements dans votre plan. Ce qui ressemble à une formalité avec une poignée d’escouades devient un véritable casse-tête lorsque vous en commandez plusieurs dizaines, et l’on oublie volontiers la réflexion tactique de réaction, difficilement gérable, au profit d’une bonne préparation en amont et d’une stratégie d’anticipation. Armored Brigade replace l’église, ici la planification, au centre du village.

Cet éloignement tactique, presque un changement d’échelle, permet cependant de simuler avec aisance des affrontements de grande envergure, sur des cartes mesurant jusqu’à 15 km de côté. Des dimensions démesurées, difficilement présentables à travers une capture d’écran, pour des missions pouvant nécessiter 7h de jeu. Bénit soit l’accélérateur temporel à notre disposition ! Je tiens à vous rassurer, le jeu simule tout aussi bien des conflits plus modestes et jouables en quelques minutes seulement.

Le but dans Armored Brigade, au-delà des différents objectifs scénaristiques : réduire la jauge de victoire de l’adversaire à zéro. Cette dernière, visible en haut de l’écran et dont la densité dépend des paramètres de mission, descend à chaque neutralisation ou diminue peu à peu tant que l’on contrôle un objectif.

Mais Armored Brigade, c’est surtout une base de données gigantesque. Une véritable encyclopédie militaire, qui modèle avec précision les unités, armes et véhicules de sept nations sur une période de 1965 à 1991. C’est dans cette base, modifiable dans son intégralité, que réside l’une des principales forces de la série. Si elle dépeint par défaut la guerre froide, elle reste avant tout un moteur pointu et ouvert capable de simuler d’autres périodes, comme la seconde guerre mondiale avec le mod AB1943. Enfin, son ouverture s’étend au delà de simples variables car le jeu intègre un générateur intuitif, à la portée de tous, capable de concevoir en quelques minutes seulement des missions et des campagnes.

Nouveautés de ce volume 2

Le principal changement de Armored Brigade 2 se situe dans sa transition vers un moteur 3d, préférable pour l’immersion comme pour une meilleure analyse du terrain et des lignes de vue. Afin de bien nous rappeler que cette évolution sert avant tout la réflexion stratégique et non la contemplation, le jeu s’exhibe avec un style minimaliste assumé, que l’on peut justifier comme un moyen pour rester compatible avec des ordinateurs de faible puissance et conserver les facilités de modding. Bon, si je saisis l’idée je n’aurais pas dit non à un peu plus de détails quand même… L’ensemble est certes fonctionnel et représente un réel pas en avant par rapport au premier volet, mais reste inférieur à un Combat Mission pourtant obsolète. Pour moi qui adore observer d’un bon zoom mes pixeltruppen s’atteler à la tâche, réagir aux échanges avec l’ennemi et se mouvoir dans un environnement -plus ou moins- détaillé, c’est la déception. Armored Brigade ne présente malheureusement aucun intérêt sur ce point, il n’est pas conçu pour.

Cette suite bénéficie également d’un enrichissement des SOP et d’une refonte du système de communication entre les unités. Par exemple, après qu’un soldat ait détecté un ennemi, l’information ne devient pas subitement connue par toutes les troupes mais transite de façon crédible via la chaîne de commandement. Selon l’expérience de l’unité communicante, l’information se verra transmise avec une vitesse et une précision variables. Pour cette occasion, Armored Brigade 2 peaufine le système de formations en divisant -par exemple- les compagnies en sous-formations et groupes plus restreints. Ce changement permet au passage une plus grande flexibilité tactique : il reste possible de sélectionner en un clic toute la compagnie comme une section ou une escouade.

Enfin, l’infanterie gagne en efficacité ! Les fantassins voient leur couverture améliorée lors d’affrontements à longue distance, et inversement, bénéficient d’une nouvelle mécanique de combat rapproché pensée pour améliorer la cohérence des affrontements à courte portée. Ils jettent des grenades, s’attaquent au corps à corps et se servent de pistolets pour neutraliser les derniers hostiles.

S’il fallait résumer, considérez tout de même Armored Brigade 2 comme un remake en 3D du premier. Le contenu est similaire, intégrant les cartes, unités et DLC du 1 et gardant la compatibilité des mods, exception faite des éventuels prérequis en modèles 3D. Si vous aviez aimé le 1 et que vous sentez pouvoir replonger dedans, je vous invite à continuer sur le second pour le confort qu’il amène. Si vous ne connaissez pas la série, commencez par le 2 pour les mêmes raisons car il supplante le premier. Enfin, si vous n’aviez pas accroché à son système, je doute que ce nouvel épisode change votre opinion.

Accessible, intéressant, pointu, mais…

J’ai peu pratiqué Armored Brigade 1, n’étant friand ni de la vue 2D, ni du temps réel. Le simple ajout de la 3D le rend cependant bien plus attractif et je passe volontiers outre l’obligation du temps réel pour profiter de cette simulation qui aiguise notre sens tactique avec une approche inhabituelle. À noter qu’il existe un mode WeGo bricolé qui ajoute des pauses à intervalles réguliers, mais il ne change pas la philosophie du jeu, autorise les manipulations en cours de tour et ne présente donc que peu d’intérêt.

J’aime l’idée d’un wargame épuré dans ses mécaniques. Cela tombe bien, les bases de Armored Brigade s’apprennent vite. Il en est bien sûr autrement pour maîtriser l’ensemble des options, comme l’édition -ou la synchronisation- de points de passage, la gestion des délais et le réglage en finesse des SOP, mais le jeu fait preuve d’une intuitivité appréciable au vu des paramètres simulés. Il reste cependant complexe et punitif. Vos obus ricocheront si vous n’attaquez pas avec le bon angle, les TRP (points de référence pour l’artillerie) se placent judicieusement, et si l’IA se révèle parfois bien téméraire, elle fera bon usage du camouflage et de manoeuvres pour vous flanquer une défaite humiliante. Aussi facile à prendre en main soit-il, Armored Brigade demande d’agir avec minutie et réflexion. Couvrez bien le secteur avec des troupes statiques pour repérer l’ennemi, positionnez vos commandants correctement pour maintenir une bonne qualité de communication et abusez des outils et de la vue 3D pour trouver les meilleurs angles de tir.

Même constat à propos de son accessibilité, avec un outil de vérification des lignes de vue (LoS) précis, des fenêtres d’état limpides et un journal d’évènement qui notifie de chaque attaque, neutralisation ou repérage et nous y redirige d’un simple clic. Un tel niveau de confort relève d’une bénédiction quand on voit l’investissement nécessaire pour simplement patauger dans les autres simulations. Le puissant générateur de missions permet pour sa part de concevoir en 5 minutes des scénarios adaptés à notre niveau, pour un apprentissage en douceur, loin des intimidantes missions à grande échelle. À l’heure où j’écris ces lignes, je préfère d’ailleurs les scénarios de taille modérée qui me permettent de garder un œil sur chacune de mes unités sans passer mon temps à naviguer sur la carte. Les gros scénarios, aussi impressionnants soient-ils, requièrent trop de manipulations à mon goût pour suivre de près le conflit et gérer à ma convenance les troupes.

Car j’aime micro-gérer. Je veux positionner mon mitrailleur au deuxième étage, lui dire de surveiller un angle précis, puis ordonner à mon escouade de tirer sur une maison suspecte pour couvrir la progression d’un second groupe. Je veux me placer suffisamment bas pour être caché par les immeubles environnants, me cacher pour tendre une embuscade…  Et c’est là que le bât blesse, que je me fâche avec le jeu. Armored Brigade ne permet pas tout ça. Il fait preuve d’une abstraction particulière qui plaira aux commandants qui aiment prendre de la distance, mais pas à ceux qui veulent s’immiscer dans chaque situation du conflit. On ordonne à l’unité de se retrancher dans une maison et c’est à peu près tout. J’en ressors forcément déçu par les combats urbains, trop sommaires…

…et décevants dans leur conception. Le jeu contient des villes impressionnantes, qui s’étendent à perte de vue. Un potentiel incroyable sur le papier, avorté en raison d’un copier-coller massif de bâtiments qui laisse à désirer tant sur le plan visuel que sur son intérêt tactique. Pour cette raison, je conseille de s’en tenir aux batailles rurales ou limitées dans leurs engagements urbains, la formule brille bien mieux ainsi. Nous verrons toutefois si la phase d’accès anticipé améliore ces points.

Sur Matrix… et sur Steam ?

À ce jour, Armored Brigade 2 est une exclusivité Matrix. Il se dit que ce choix est dû à une sorte d’accès anticipé visant à peaufiner le titre avant une sortie généralisée. Selon moi c’est du flan. Le jeu reprend le système éprouvé du premier et tourne très bien. L’œil avisé remarquera bien l’absence d’une partie du contenu, déjà conséquent avec 20 missions individuelles et 4 campagnes, et le joueur intéressé lira sur les forums officiels que certaines fonctionnalités seront ajoutées ou améliorées lors des prochains mois. Mais dans l’ensemble, hormis la paresse dans la modélisation 3D des villes, le jeu sort dans un état convenable. Je pense plutôt que Matrix souhaite maximiser la marge sur les premières ventes, ce qui n’est aucunement un reproche, comme fait par le passé avec Flashpoint Campaigns : Southern Storm. Si le jeu vous intéresse n’hésitez donc pas à vous lancer dès maintenant, vous obtiendrez une clé steam le moment venu.

À la fois réussi et polarisant

Le passage à la 3D suffit pour faire de Armored Brigade 2 un wargame de choix. Cette nouvelle dimension ajoute à ce titre déjà référence une couche supplémentaire de confort et d’accessibilité qui fidélisent le panel de joueurs déjà conquis et ouvrent les portes à un nouveau public. J’en fais partie, partiellement du moins, appréciant son système sur des scénarios de taille modérée conçus par le générateur de missions bien pratique. Je reste malgré tout sur ma faim face à cette abstraction, à ce manque de micro-gestion, qui le rend perfectible lorsque l’on se concentre sur une situation précise, par exemple lors de combats urbains. Et c’est selon moi la question que vous devriez vous poser avant de franchir le pas. Si la gestion pointilleuse vous file des boutons et que vous recherchez un wargame tactique dicté par des ordres à tendance macro, Armored Brigade s’avère une excellente pioche. Si au contraire vous prenez plaisir à zoomer, à décortiquer chaque action pour l’appréhender de la meilleure des façons, le jeu risque de vous décevoir car vous resterez la plupart du temps impuissant.

Intéressé par Armored Brigade 2 ? Je vous invite à consulter sa page Matrix ou encore mon AAR présentant le générateur de missions. Un titre mentionné dans ma liste des essentiels de 2024.

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