Test | Sanctuary (Ark Nova)

Ark nova siège sur le podium de mes jeux favoris, seulement j’éprouve des difficultés pour le sortir avec certains proches. Trop compliqué pour les uns, trop long pour les autres… Tant de superlatifs pour ces erreurs de jugement que je leur pardonne, mais qui laissent le zoo dans l’étagère plus souvent qu’il ne devrait l’être. Ce que ces chers amis ne savent pas en revanche, c’est que je complote depuis un moment pour y remédier et mon arme secrète se dévoile enfin. Son nom : Sanctuary.

Nova Cascadia

Sanctuary reprend le thème et les mécaniques principales de Ark Nova pour les transposer dans un format condensé. Plus court, plus simple. L’animal original plutôt massif se trouve en effet ici dégraissé pour offrir aux joueurs une expérience proche, installée et comprise en 5 minutes puis expédiée à raison de 20 minutes par joueur. L’astuce réside dans l’utilisation de tuiles à la place des cartes et dans une simplification générale du bestiau, qui réduisent de ce fait le champ des possibles et le temps de réflexion.

Le jeu ressemble d’une certaine façon à la fusion entre Ark Nova et Cascadia. À tour de rôle, les joueurs ajoutent à leur main une tuile depuis la rivière, en posent une dans leur plateau individuel pour développer leur zoo et effectuent ensuite, s’ils le peuvent, des actions optionnelles. Trois types de tuiles coexistent : les animaux, les projets et les bâtiments. De belles et grandes tuiles en carton robuste, à l’instar des autres composants de ce nouveau sanctuaire. Une fois qu’un joueur a complété son zoo (~21 tuiles) ou supporté 4 projets de conservation (ou plus rarement si la pioche est vide) la partie se termine et l’on procède au décompte final.

Ark Nova light ?

Comme son frère aîné, Sanctuary tourne autour de la rotation de cartes action à force variable. De la plus faible à gauche, vers la plus forte à droite. Chaque fois qu’un joueur active une carte, il la place ensuite à gauche des autres, qui se trouvent par conséquent renforcées. Cette valeur de force sert à déterminer 2 choses : les tuiles disponibles à la pioche en début de tour et celles de votre main que vous pouvez jouer.

Ici se dévoile l’un des principaux changements avec Ark Nova. Exit les 5 cartes actions, Sanctuary en propose 4. Une violette, la carte projet, qui indique les tuiles de la rivière éligibles à la pioche puis permet de jouer une tuile projet (cousin germain des cartes mécènes) OU de piocher une deuxième tuile de son choix depuis la rivière. Les trois autres sont des cartes animal dont l’habitat diffère (eau, roche ou herbe). Elles permettent soit de prendre deux tuiles de la pioche (aléatoire), soit de poser un animal du même type que la carte et de force inférieure ou égale à sa position. Les cartes construction, mécénat et association disparaissent au profit d’une boucle de jeu linéaire, dont la simplification massive explique pourquoi Sanctuary se joue plus vite. La voici :

  • Prendre une tuile de la rivière 
  • Activer une carte. C’est à dire poser une tuile ou en gagner des supplémentaires.
  • Poser une tuile bâtiment (optionnel)
  • Soutenir un projet de conservation (optionnel)
  • Améliorer une ou plusieurs cartes action (optionnel).

Avec une telle réforme, Sanctuary limite la paralysie analytique et réduit l’importance d’une bonne planification. Le schéma de pensée devient : Quelle tuile choisir, puis où et quand la placer ? 

Le reste se fera naturellement. À une poignée d’exceptions près, vous poserez vos bâtiments une fois les prérequis validés. Les projets de conservation, eux aussi simplifiés, se calculent en revanche davantage. Au début de la partie, 5 projets sont tirés au sort. Ils correspondent chacun à un continent ou un type d’animal. Une fois que vous possédez 2, 3, 4 ou 5 icônes identiques à un projet vous pouvez glaner quelques points d’attrait (les points de victoire) en activant la tuile conservation de la même valeur. Inutile de viser deux projets à 5 icônes, tout surplus sera perdu. Pour vous aider à gonfler les compteurs et supporter 4 projets, vous pouvez dépenser des jetons de conservation gagnés au cours de la partie qui agissent en joker (1 jeton = 1 icône). Sinon ils vous rapporteront des points de victoire lors du décompte final.

Enfin, améliorer une carte revient à lui octroyer +1 de force de façon permanente et vous autorise à poser jusqu’à deux tuiles au lieu d’une (en respectant le même budget de force). Pour ce faire, vous devez réaliser l’un des quatre objectifs disponibles, une fois chacun, dans l’ordre de votre choix :

  • Soutenir un projet de conservation 
  • Posséder 4 types d’animaux différents 
  • Avoir deux projets dans son zoo 
  • Regrouper trois tuiles du même habitat

Et c’est à peu près tout. Quid de l’argent ? Il a disparu, comme tous les éléments non mentionnés. Quant à la variabilité, elle se voit amoindrie également puisque les 255 cartes se transforment en 135 tuiles et les plateaux zoo se présentent en 2 versions. Là, vous commencez peut-être à prendre peur… Oui, Sanctuary est épuré. Un peu trop à mon goût, pour moi qui jure -presque- exclusivement par du jeu touffu. Et paradoxalement, je le trouve chargé sur le plan visuel. Mais je vous rassure de suite, malgré le dégraissage à outrance le jeu se révèle tactique et garde un côté cérébral bien affirmé, à la façon d’un Cascadia piqué aux hormones pour satisfaire les initiés. On optimise et on amasse des tuiles en prévision (6 max en fin de tour), prêt à envoyer un joli combo qui nous catapultera en tête du peloton. Et si Sanctuary allège, il apporte en contrepartie son lot de nouveautés et de changements qui enrichissent l’expérience et justifient son existence.

Sanctuary Ark Nova

Je pense par exemple à ces animaux qui nécessitent des terrains vierges adjacents, sorte d’alternative aux grands enclos. Pour les poser dans votre zoo, vous devrez poser en sus une ou deux autres tuiles face verso près des arêtes indiquées (ou profiter de celles préimprimées). Les cases deviennent occupées en échange d’un petit point d’attrait, mais cela permet de placer de gros animaux intéressants et de vite remplir votre zoo. L’idée se vaut puisque Sanctuary récompense le premier joueur qui franchit la ligne d’arrivée avec 10 points de victoire (5 à 7% du score final). Vaut-il mieux se dépêcher ou prendre le temps de se développer ? Ça, c’est vous qui voyez. Car des stratégies, le jeu n’en manque pas.

En effet, bien que le hasard s’invite dans la partie, les tuiles abondent d’effets et de synergies prévus pour offrir différentes voies vers la victoire. Et pour vous faire cogiter comme il se doit. Sanctuary limite la paralysie analytique mais ne la supprime pas ! Au diable les parties de 20 minutes, chaque action a du poids alors autant prendre son temps ! Regroupez le mâle et la femelle d’une même espèce pour gagner des points de conservation. Relâchez un animal en posant un projet sur sa tuile afin d’obtenir des bonus permanents comme des réductions de force. Profitez des capacités d’adaptation de certains animaux pour les jouer avec n’importe quelle carte action, formez des groupes de tuiles pour faire croître vos multiplicateurs de score… Sans oublier bien sûr d’optimiser l’activation et le développement de vos cartes, aussi simplifiés soient-ils. La formule offre de belles opportunités et fonctionne dans l’ensemble très bien.

Sanctuary supplante-t-il Ark Nova ? Non, le roi ne fléchit pas et reste au chaud sur son trône. Plus riche, plus complet, plus rejouable aussi, il a encore de beaux jours devant lui. Sanctuary étend toutefois le scope de la série. Il s’immisce dans les failles inaccessibles au jeu original, là où ce dernier peinait à s’imposer. Il permet par exemple de jouer à 3 ou 4 joueurs en 60-90 minutes (comptez le double pour Ark Nova), ou de motiver plus facilement des proches à essayer le jeu original. Ils seront après tout initiés à l’iconographie et aux principales mécaniques, il ne vous restera plus qu’à leur tendre une petite embuscade pour les convertir enfin. Le format à 5 joueurs se révèle moins convaincant, faute d’une durée qui s’allonge et d’une rivière qui se renouvelle trop. Quant au solo, il se montre intéressant après une petite correction.

Je fais partie de ceux qui adorent le mode solo officiel de Ark Nova. Je le pratique d’ailleurs bien plus souvent que la célèbre variante ARNO qui demande plus de temps et de manipulations. Sanctuary reprend le principe, avec la nécessité de compléter le zoo ou les 4 projets de conservation en moins de 18 tours en visant un meilleur score que la dernière fois. Chaque fin de tour, vous retournez l’un des 18 jetons qui indiquera une tuile de la rivière à défausser afin de renouveler cette dernière et créer de l’incertain. L’interaction étant limitée, le jeu se prête bien au solo, d’autant plus qu’il s’installe vite et se plie en une petite demi heure. Mais soyons clairs, aussi chouette soit-il le solo est par défaut beaucoup trop simple et se termine avec des scores de dingue où la marge de progression dépendra de la chance au tirage. Deux solutions pour y remédier : réduire le nombre de jetons à 15 ou 12, ou mieux, télécharger les défis officiels depuis le lien dans le bandeau ci-dessous. Ajoutez 2 ou 3 objectifs à votre partie pour renforcer son intérêt au prix d’une légère rallonge du temps de jeu (45 minutes). Vous pouvez même tenter une campagne ! En tout cas, malgré une semaine éreintante incompatible avec le plaisir du jeu expert, j’ai pu retrouver l’univers de Ark Nova grâce au caractère prompt de Sanctuary. Et ça, ça vaut la simplicité dont le titre fait preuve.

Verdict : positif !

Avec Sanctuary, Ark Nova s’ouvre à un nouveau public grâce à cette revisite efficace et accessible qui plonge immédiatement les joueurs dans son univers. Mathias Wigge y est certes allé un peu fort sur la simplification, si l’on se réfère au jeu original, mais l’ensemble reste suffisamment tactique et cérébral pour intéresser le joueur occasionnel comme l’expert en quête d’un plaisir plus expéditif. Maintenant, s’il se veut amusant de lui-même, Sanctuary sert selon moi surtout à initier en douceur à Ark Nova, qui propose une expérience bien plus complète et engageante. Ou à rester à ses côtés et prendre le relais lorsque l’éléphant ne convient pas aux gens autour de la table. Mais c’est peut-être, au fond, ce que j’attendais le plus de lui. Pari réussi donc.

Le positif :

  • Rapide à installer et jouer
  • Accessible mais cérébral
  • Un ressenti “Ark Nova” réussi

Le moins bien :

  • Un peu trop simple entre joueurs experts
  • Davantage de variabilité aurait été appréciable
  • Le jeu vit quand même dans l’ombre de Ark Nova

Éditeur : Super Meeple | Tarif : 40€ | Page BGG | Règles (VF) | Défis solo (EN) | Savez-vous que Ark Nova existe au format digital ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *