Test | Broken Arrow

Victime d’un long report en 2024, le jeu le plus attendu de Slitherine, Broken Arrow, lance enfin les hostilités. L’attente n’aura cependant pas été vaine pour cet ambitieux jeu de stratégie en temps réel, car le résultat final brille de mille feux paillettes (celles des hélicoptères, pas de votre anniversaire) et me fait doucement retomber dans un genre que j’avais délaissé depuis près de 15 ans.

Guerre froide 2.0

Aussi passionnante soit-elle, l’hypothétique guerre froide qui aurait viré de bord devient un thème qui sent quelque peu le réchauffé. Alors quand Steel Balalaika le revisite en imaginant l’éclatement en 2020 plutôt que dans les années 80, à titre personnel ça me réchauffe le cœur. Si l’on perd le charme de l’équipement de l’époque, qui procédait chaque année à un véritable bond technologique, jouer avec l’armement moderne tel que les drones, Himars et autres T14 Armata éveille en moi un agréable sentiment de satisfaction et de renouveau.

À mille lieues de Combat Mission Black Sea, qui est peut-être le jeu au théâtre le plus proche, Broken Arrow penche vers une expérience arcade à la prise en main instantanée et au plaisir immédiat. Pour un habitué des simulations l’initiation peut cependant se révéler déroutante, tant le jeu semble expéditif malgré une représentation “réaliste” des unités et l’importante échelle simulée (qui est en réalité compressée). Mais une fois pris en main, Broken Arrow se montre plus fin et exigeant qu’aux premiers abords. La reconnaissance siège à sa place de reine, les troupes subissent différents états comme la suppression, les véhicules se composent de modules altérables et de blindages indépendants et pour finir le ravitaillement certes rudimentaire reste primordial pour assurer une pression constante sur l’ennemi. Et bien que le jeu bénéficierait d’un système de couverture plus poussé ou d’une gestion plus précise des lignes de vue, si un duel isolé semble parfois peu crédible la vision d’ensemble demeure réussie grâce à ses grandes cartes parsemées de subtilités, son rythme stimulant sans virer à l’extrême et son panel de 300 unités à connaître sur le bout des doigts.

Soutenu par sa belle esthétique -au passage un tantinet gourmande- Broken Arrow nous offre un spectacle interarmes aussi plaisant à regarder que riche sur le plan tactique. Surprenez vos adversaires avec un assaut amphibie, saturez les défenses anti-aériennes avant de parachuter des sections entières de fantassins derrière les lignes ennemies, contournez le front avec une division de blindés et préparez une opération de bombardement aérien pour freiner la dangereuse poussée qu’entreprennent vos adversaires. La synergie entre les différents corps est bien retranscrite et devient grisante lorsque notre plan fonctionne, mais elle reste surtout nécessaire pour finir victorieux. Un assaut précipité avec un groupe de combat mal conçu se verra puni avec une sévérité sans précédent malgré l’éventuelle supériorité numérique. J’ai testé. À quelques reprises, pour voir…

Une telle richesse fonctionne via un système de decks personnalisables. Pas de cartes ici à proprement parler mais un choix de 2 spécialisations (sur 5 par camp) qui définissent les unités disponibles et le nombre de ressources allouées à chacun des 6 “corps” (reconnaissance, infanterie, blindés, support, hélicoptères et avions) pour établir votre ordre de bataille. Puis au début de chaque mission vous choisirez un deck -selon ceux de vos alliés, l’environnement joué, la stratégie souhaitée- que vous garderez tout le long de la partie. Au vu des nombreuses possibilités, concevoir un bon deck demande un peu de pratique et de connaissance. Prenez le temps d’expérimenter et d’en construire plusieurs, des généralistes et d’autres plus spécifiques, vous les affinerez ensuite avec le temps et selon votre propre style.

Un solo avec du potentiel

Le solo de Broken Arrow consiste en une campagne, des scénarios indépendants et de l’escarmouche contre l’ia. Ces deux derniers présentent à ce jour un intérêt limité, par manque temporaire de contenu pour les scénarios et par manque de finition pour l’escarmouche (pensée pour le 5v5 et n’intégrant au passage pas la pause active). Si la communauté commence à publier sur le steam workshop des scénarios conçus avec le puissant éditeur intégré, lui-même utilisé pour la campagne originale, les nouvelles quant à l’amélioration du mode escarmouche restent légères. Pour l’instant, le principal mode reste donc la campagne scénarisée, qui contrairement au reste du jeu n’utilise pas de decks.

Alors que des troupes Américaines postées en Lituanie effectuent des exercices militaires, un accident survient et entraîne progressivement les USA et la Russie dans une guerre aux quatre coins des Pays Baltes. Si l’on n’échappe pas à l’habituelle narration pleine de clichés, la campagne propose un déroulement semi-libre où, depuis une carte opérationnelle, on progresse selon nos envies côté USA comme côté Russe et sur plusieurs fronts à la fois. Il s’agit d’une liberté illusoire, l’ordre n’ayant aucun impact sur les missions qui demeurent identiques d’une campagne à l’autre, mais l’idée reste plus sympathique que le classique enchaînement linéaire. Ne raffolant pas de ce type de contenu scripté je n’en ai pas encore vu le bout, gêné par des bugs empêchant de terminer certaines mission (en partie corrigés) et préférant au final dépenser mon temps sur d’autres modes de jeu. Mais elle s’avère bien réalisée et plutôt conséquente, avec 16 missions aux situations variées proposant plus de 20h de jeu. Prévoyez en revanche du temps devant vous avant de lancer votre prochaine mission, car aussi dingue soit-il les développeurs n’ont inclus ni points de passage ni possibilité de sauvegarder votre progression. Au vu de l’envergure des missions, et en 2025 de surcroit, je suis forcé de flanquer à Broken Arrow un carton jaune pour une telle faute. M’enfin, entre nous, aussi sympa soit-il en solo le jeu brille surtout en multi-joueurs. Et pour que moi, soliste invétéré, dise une chose pareille, c’est que le résultat vaut vraiment le détour.

Broken Arrow ou le meilleur STR milsim existant

Le mode multi-joueurs de Broken Arrow se concentre sur de l’escarmouche à 5 contre 5. Après une brève phase de briefing participatif durant laquelle les joueurs dessinent leur plan d’action, une bataille épique de 45 minutes commence pour la conquête des zones centrales et l’élimination d’un maximum de troupes ennemies. Appuyés par un budget qui s’incrémente en permanence, les joueurs recrutent les effectifs depuis leur deck et coopèrent pour tenir la longue ligne de front, conserver une pression sur l’ennemi et tenter de jolies manœuvres pour surprendre ces derniers. Puis toutes les 15 minutes, le jeu arbitre et attribue des points pour le contrôle des zones et les dommages infligés. Ce double objectif ajoute un dynamisme indéniable aux parties. Capturer dans la précipitation puis tenir de façon passive les secteurs ne suffit plus, surtout si les pertes s’accumulent. Il devient préférable de temporiser son jeu, de gérer son maigre budget avec soin et de faire preuve d’une organisation sans faille teintée de proactivité. Quelles sont vos capacités de reconnaissance, de contre-batterie ? Comment se portent vos défenses anti-aériennes, votre ligne arrière, votre ravitaillement ? Enfin, chaque manche octroie plus de points que la précédente. Les mauvais départs deviennent ainsi moins pénalisants et les parties restent tendues jusqu’à la toute fin. C’est excellent, riche en rebondissements et avec une douce mais belle courbe de progression qui motive à pratiquer encore et encore. Bref, je suis devenu accro.

De par son format, Broken Arrow s’apprécie davantage avec un groupe de joueurs connus plutôt qu’en mercenaire isolé. C’est ainsi que vous tirerez parti de vos decks respectifs, pourrez mettre en place de redoutables stratégies et jouerez les parties les plus mémorables. Si vous ne connaissez personne pas d’inquiétude pour autant, le jeu fonctionne bien en public à l’exception des quelques déserteurs qui sévissent et d’une communication moins fluide. C’est ainsi que je joue la majorité de mes parties et j’en redemande, sommé d’arrêter chaque soir par la force naturelle des choses. Pour finir, je reste agréablement surpris par la rapidité à trouver des parties. Quelques secondes tout au plus, seul comme en groupe. Au delà du grand nombre de joueurs actifs, la structure du matchmaking se veut simplement très bien conçue. Et face à un tel assaut frontal la concurrence a du souci à se faire.

Un grand cru de l’année 2025

Je n’attendais rien de Broken Arrow et voilà qu’il me tombe dessus comme une section de Gvardil Motostrelki prête à en découdre. Le jeu tant attendu de Slitherine a su mûrir dans son fût de data pour non seulement devenir un indispensable du genre STR mais aussi séduire, grâce à sa formule maîtrisée, un public plus récalcitrant (dont je fais partie). Beau, rythmé, riche et terriblement tactique, il décroche sur le champ sa place parmi les meilleurs jeux de stratégie de l’année. Et si on peut lui reprocher l’absence de fonctions basiques comme l’impossibilité de sauvegarder, ou sa compatibilité toute relative aux formats inférieurs au 5v5, Broken Arrow se débrouille tellement bien sur le reste qu’on lui pardonne volontiers ces fautes que l’on espère temporaires. Il ne reste à Steel Balalaika et Slitherine qu’à assurer un suivi de qualité pour conserver une solide communauté et offrir au jeu l’avenir radieux qui lui est destiné.

Page steam du jeu | Tarif : 48.99€ | Un jeu mentionné dans ma liste des titres prometteurs de cette année.

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