Test | Commandos : Origins


La série Commandos renaît de ses cendres, 22 ans après le troisième volet. Un gap temporel conséquent, durant lequel le genre qu’elle a façonné s’est fait discret avant de refaire surface fin 2016 grâce au studio Mimimi. Tenter une telle résurrection relève de l’audace, et si le résultat diffère de mes espérances Kalypso et Claymore Studio nous proposent ici un quatrième épisode convainquant.

Madeleine de Proust ou nouveau départ ?

C’est avec une excitation mêlée de crainte que je me suis lancé dans ce nouvel épisode, tant je considère Commandos comme un monument vidéoludique. Ses personnages emblématiques et son gameplay aussi ambitieux que satisfaisant occupent une place importante dans ma mémoire de joueur et d’amateur du genre tactique. Alors forcément, replonger dedans 22 ans plus tard m’effraie un peu, tout comme le changement de propriétaire. Mes craintes se sont toutefois envolées une fois souris et manette en main, tant c’est un véritable bonheur de retrouver le Béret Vert et ses acolytes (l’artificier, le tireur d’élite, le plongeur, l’espion et le mécano) pour ce beau -et long- périple. Le charme opère toujours, sous réserve d’accepter que le jeu n’est plus le même qu’avant et que des mécaniques maîtresses de la série ne sont plus de la partie.

Le jeu s’inspire en effet du système développé par Mimimi pour ses trois excellents titres, avec la simplification qui en découle et l’intégration d’une pause tactique pour coordonner vos actions. Dites adieu à l’inventaire, à la récupération d’équipement sur vos victimes et à la surveillance de zone, ils n’existent plus, tout comme une ribambelle de petits détails qui apportaient de la matière à la formule. Mais si Commandos : Origins ressemble au premier coup d’oeil à une variante WW2 de Shadow Tactics, il s’en démarque suffisamment pour conserver une partie de l’adn de ses ancêtres et mériter son appellation. Fini les mini-boss, tous les ennemis sont logés à la même enseigne face à la douleur d’un coup de couteau. Le jeu modélise également l’intérieur des principaux bâtiments, autorise les stratégies plus explosives et réintègre la conduite de véhicules. Mais surtout, il réussit à recréer l’atmosphère de la série et c’est peut-être, au fond, le plus important pour une suite. Commandos : Origins offre plus qu’un plaisir nostalgique éphémère, c’est une réelle addition à la série. Une suite qui évolue avec son temps, moins complexe et raffinée que Commandos 2 mais qui saura vous rendre la pareille si vous faites fi de sa simplification.

Un festin tactique

On peut dire que Claymore studio a mis les petits plats dans les grands pour cette suite. Préparez-vous à voyager aux quatre coins du monde pour éliminer la menace nazie, à fouler le sable du sahara, sautiller sur les flaques des quais de saint-nazaire ou laisser vos empreintes dans la douce poudreuse norvégienne. Développé sur Unreal Engine 5, le jeu nous transporte dans des environnements aux graphismes fins et à la chouette ambiance, où l’esthétique pourtant qualitative peine à rivaliser avec l’impressionnante envergure du terrain de jeu. Chaque destination représente une intimidante épreuve d’endurance, tantôt linéaire tantôt plus libre, qui nécessite entre 2 et 4 heures d’opération pour être arpentée. On sue, on progresse pas à pas, à analyser chaque secteur pour repérer le maillon faible et déclencher la satisfaisante tombée de dominos. On y affronte l’ia habituelle du genre, un peu simplette et très codifiée, programmée pour nous offrir -selon son grade- autant d’opportunités que de menaces en cas de laisser aller. Et si les niveaux présentent d’occasionnels soucis de conception (j’en parlerai plus bas), on continue à jouer, stimulé par les nombreux moments Eurêka et entraîné par la variété des situations et des objectifs. Je reprocherai tout de même aux missions un manque de charme. Elles sont amusantes mais peu marquantes, peu aidées par l’histoire sommaire qui peine à les lier correctement, à contrario des dernières productions qui nous avaient habitué à mieux.

Si le genre RTT (real time tactics) s’apparente souvent à un puzzle, j’ai apprécié le degré de liberté autorisé par le jeu. Il ne saute pas toujours aux yeux et revêt parfois sa plus belle cape d’illusionniste, mais je me suis rarement senti obligé d’agir d’une façon unique et ai pu m’en sortir à de nombreuses reprises grâce à des solutions exotiques ou conçues à la volée. Sans atteindre le simili bac à sable d’un Shadow Gambit, le jeu se révèle selon moi plus permissif que Shadow Tactics ou Desperados 3. Il n’en demeure toutefois pas simpliste pour autant et vous n’échapperez pas au traditionnel grattage de tête et aux recharges rapides pour réussir les passages corsés. L’autre différence, c’est que ces passages ardus ne s’enchaînent pas. Ils s’entrecoupent de zones plus faciles à nettoyer qui induisent de la fluidité à votre progression. C’est un avis très personnel mais je trouve la difficulté bien dosée dans l’ensemble, stimulante et rarement frustrante, avec pour les vrais guerriers des défis optionnels comme le mode non létal en sus de la difficulté vétéran. Parlons justement de ce mode non létal, car il ne s’aborde pas de la même façon qu’à l’accoutumée. Vous ne pouvez en effet ni ligoter vos ennemis ni amasser un tas de victimes dans un même buisson. Votre seule façon de les neutraliser consiste à poser leur corps évanoui dans une cachette avant leur réveil, à raison d’un seul soldat par planque sinon le précédent se réveille. Ce choix étonnant de la part des développeurs instaure une réelle différence avec le mode létal et je félicite d’avance les trois du fond qui se lanceront dans cette entreprise…

Au niveau des commandos, la sélection s’avère équilibrée avec éventuellement un léger retrait du mécano si vous limitez l’utilisation d’armes à feu et d’explosifs. Nos chers personnages n’ont pas pris une ride et rôdent toujours avec l’équipement culte mais se spécialisent dorénavant faute d’inventaire. À titre d’exemple, le béret vert garde la radio et la pelle pour s’enterrer, quand l’artificier jouera seul du piège à ours, du sifflet et des dynamites. Pour peu que vous ayez pratiqué Desperados et les titres de Mimimi, vous ne serez pas dépaysés. Je regrette tout de même l’absence du voleur. Sa présence n’était pas justifiée et son âme s’est éparpillée parmi les autres commandos, mais quand même…

Sur le sujet de la durée de vie, Commandos : Origins s’impose en « Commandos like » le plus long à ma connaissance. Bien qu’il soit difficile de donner une estimation en raison des différents styles de jeu et des capacités de chacun, prévoyez 30h pour traverser les 14 missions du jeu sans déclencher d’alarme et doublez ce temps si vous optez pour du non letal et réalisez les objectifs secondaires. Claymore nous a concocté un véritable festin. Enfin, le jeu intègre un mode coopératif en ligne pour prolonger le plaisir entre amis mais je n’ai pas eu l’occasion de le tester.

De belles choses, et puis…

Si je reconnais les nombreuses qualités de Commandos : Origins, le jeu s’accompagne de défauts mineurs et d’autres plus irritants qui entravent le plaisir de jeu. Mon premier reproche concerne la conception des niveaux. Si l’on arpente de façon libre la majorité de la zone de jeu, Claymore s’est permis à quelques reprises de modéliser des secteurs puis de les rendre inaccessibles sans le préciser, bloquant nos Commandos avec une simple barrière ou un mur invisible afin de leur faire prendre un itinéraire bis ou pire, un couloir inintéressant au bon goût de bâclé. Outre le ridicule de la situation, les développeurs auraient pu griser ces zones pour bien nous faire comprendre qu’on ne peut pas les traverser, ou mieux, les intégrer à la partie quitte à en faire des zones ardues si elles rendent l’équilibrage difficile.

Impossible en revanche d’ignorer l’état général du jeu à sa sortie. Une véritable usine à bugs, surprenante dans la variété de sa production et particulièrement efficiente. Un premier patch a résolu une partie des problèmes mais quelques soucis persistent encore de façon aléatoire et peuvent ternir votre expérience, comme votre personnage qui ne s’allonge plus ou le marqueur du harpon au sol qui disparaît après une sauvegarde car vous ne l’avez pas ramassé (créant le risque de le perdre). Pensez à sauvegarder régulièrement pour éviter la frustration et il ne restera que des bugs mineurs comme les statistiques erronées de fin de mission ou l’espion qui s’appellera mécano le temps d’un dialogue. Pour finir, l’ergonomie de l’ensemble laisse à désirer, avec les commandos qui peinent à monter un escalier, la maniabilité archaïque des véhicules ou l’affichage des étages qui perd par moment les pédales et vous montre le toit du bâtiment alors que vous vous apprêtiez à lancer votre assaut au deuxième niveau. M’enfin, aussi bancal soit-il, Commandos : Origins a su m’absorber durant près de 40h et me laisse maintenant espérer un cinquième volet encore meilleur et plus peaufiné.

Les Commandos sont de retour !

À la fois moderne et fidèle à ses racines, Commandos : Origins porte fièrement ses couleurs en nous offrant un long et passionnant défi tactique adapté à son époque. Si sa formule simplifiée décevra une minorité de vétérans, elle reste solide et éprouvée, au niveau des productions Mimimi, et se présente ici sous la forme de missions gigantesques qui sauront solliciter comme il se doit vos capacités de réflexion et votre créativité. Malgré une exécution par moment maladroite et des bugs agaçants qui persistent post patch 1.1, je le recommande sans hésiter. 

Page steam de Commandos : Origins | Tarif : 49.99€ | Un jeu mentionné dans les titres prometteurs de 2024.

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