Test de Solium Infernum : Enfer et contre tous

Aaah les amis… Ces personnes chères à notre cœur, avec qui nous partageons des moments de joie ou de confidence. Puis un jour, alors que le trône de l’enfer est à notre portée, ils nous plantent. Salement. Je repense à Bélial, retournant Elisabeth contre Mammon avec des histoires montées de toute pièce. À Lilith, m’offrant le pittoresque bois des suicides avant de me couper l’herbe sous le pied. Une pensée également pour ce triste Belzebuth, qui a préféré nous faire faux bond et abandonner son âme pour devenir vassal du dominant, au lieu de l’affronter avec nous à trois contre un. Non, les amis, on ne peut vraiment pas compter sur eux…

Des élections d’un genre nouveau

Lucifer a disparu et c’est la panique en enfer. À la suite d’une réunion d’urgence, le conclave lui cherche un successeur et prépare des élections en ce sens. En tant qu’archidémon cette place vous revient, seulement vous n’êtes pas le seul à penser de la sorte et vos amis aussi convoitent le poste. Prêt pour asseoir votre domination et devenir le seigneur de ces sinistres lieux ?

Solium Infernum relève d’un ovni vidéoludique. Remake du titre éponyme sorti en 2009, il se situe entre le 4x et le jeu de stratégie politique, revêtant des airs de jeu de société dont il reprend la simplicité des mécaniques. Agglutinés sur une petite carte, les joueurs ont 50 tours (durée d’une partie normale) pour amasser un maximum de points de prestige avant les fameuses élections. Enfin… si aucun ne se rebiffe et tente de prendre le pouvoir par la force. La particularité de Solium Infernum : sa propension à faire la part belle aux coups bas. Attention, déluge de bile en vue !

15 ans plus tard

Une évolution technique considérable

Sans surprise, Solium Infernum 2024 arbore de plus jolis graphismes que son aîné. Mêlant magnifiques visuels en 2D avec une 3D minimaliste, l’ensemble instaure une ambiance unique et savoureuse, bien que moins glauque qu’en 2009. L’interface a également été revue et se veut plus accessible, loin de l’usine à gaz que pouvait être le précédent volet.

Dernier point technique, le mode asynchrone automatisé de steam remplace le traditionnel PBEM (play by email) pour un gain de confort non négligeable. S’il vous est possible de jouer en direct, à condition d’avoir trois ou quatre heures devant vous, ou d’affronter des IA en solo, Solium Infernum reste un jeu multi-joueurs se jouant en asynchrone. C’est la seule façon de profiter de la fourberie de l’être humain, vos amis de préférence, tout en prenant le temps pour réfléchir convenablement à vos actions.

Pas un clone mais une revisite fidèle

En jeu, hormis la création de son archidémon qui a disparu et la révision de mécaniques annexes, comme les duels de préteurs, la base reste similaire. L’ancien opus devient de ce fait obsolète et les vétérans prêts à humilier les nouveaux joueurs après une brève acclimatation.

La partie commence maintenant avec le choix d’un archidémon parmi les huit disponibles. Astaroth le guerrier, Bélial le manipulateur ou encore Mammon jouant du charme et des richesses, chacun possède son style et donne une direction pour le début de la partie. Mais en dehors du pouvoir unique de chacun et de son armée personnelle, il ne s’agit en réalité que d’une répartition différente des premiers points de compétences, laissant au joueur la possibilité d’évoluer comme il le souhaite par la suite. Une fois l’archidémon sélectionné, le joueur choisit ses premières reliques. Accessoires aux propriétés bénéfiques, elles permettent une nouvelle fois de renforcer le cap prédéterminé ou au contraire de partir dans une autre direction.

Simple comme un jeu de société, complexe comme un jeu PC

Entre contraintes et opportunités

La boucle de jeu se veut simple. À moins de posséder une relique particulière, chaque joueur effectue deux actions de son choix, appelées ici des ordres, avant de valider son tour. Déplacer une unité, demander un tribut (les ressources), faire évoluer ses compétences, commercer, jeter un sort, user de diplomatie… Seulement deux actions. Un format volontairement contraignant, qui force le joueur à soupeser ses décisions et à calculer ses coups à l’avance, mais qui fait de chaque tour une nouvelle source d’opportunités. En effet, des failles se formeront dans le jeu de vos adversaires, aussi contraints que vous, mais l’inverse est aussi vrai.

Soumis à un aléa omniprésent, Solium Infernum vous apprendra à naviguer avec le vent et rester à l’affût des moindres faiblesses pour agir en conséquence. Difficultés à obtenir les ressources souhaitées, évènements aléatoires qui viennent chambouler vos plans, objets du magasin inintéressants, le hasard est partout et rend difficile toute notion de « build order », mais ne devient que rarement handicapant lorsque vous savez jouer car il existe toujours une solution au problème auquel vous faites face.

Pour plus de confort, l’évolution de votre archidémon s’accompagnera au fil de la partie d’une augmentation du nombre d’ordres à votre disposition, jusqu’à 6. Vous serez ceci dit toujours contraints par vos choix. Ce n’est pas tant que la liste d’actions initiale est importante, seulement elle se ramifie au fil de votre développement en une ribambelle de possibilités.

De l’ordre des choses

Si le nombre d’actions est un facteur capital, leur ordre d’exécution compte tout autant. C’est le cas par exemple des tributs, qui seront de meilleure qualité si demandés au début du tour. Mais le plus important, et je parle là d’un élément central de Solium Infernum, reste de calculer le meilleur moment pour effectuer une action. La résolution des tours procède de la sorte : Le premier joueur, appelé le régent, effectue sa première action, puis les autres joueurs font de même en respectant un sens horaire. Le régent effectue ensuite sa deuxième action et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les actions aient été lancées. Au tour suivant, le deuxième joueur devient régent et la dynamique continue, sorte de mouvement perpétuel donnant une priorité temporaire à chaque joueur. Il est ainsi possible d’empêcher un adversaire de vous attaquer, avec un rituel par exemple, avant que son ordre d’attaque n’ait lieu. Il passe régent ? Dommage, il fallait mieux calculer votre coup et vous préparer en amont.

Solium Infernum fourmille de détails qu’il m’est impossible de lister dans cette critique. Le moindre aspect du jeu, aussi basique soit-il, vient s’imbriquer avec un autre ou se développer de façon étonnante. Les découvrir reste toutefois un plaisir en soi, il aurait été dommage que je vous le gâche. À ce sujet, on regrette le tutorial succinct et l’encyclopédie cryptique. À ce jour, il est difficile de se renseigner de façon complète sur les entrailles du système. Heureusement, les développeurs ont entendu la communauté et prévoient de fournir avec une prochaine mise à jour plus de clarté sur les différents concepts.

L’enfer de la guerre…

Un moyen comme une fin

Parmi les approches autorisées, le joueur peut opter pour une stratégie guerrière. C’est en effet la plus simple sur le papier : on s’équipe de légions, unités militaires des enfers, on insulte ou extorque un adversaire au prix d’une poignée de points de prestige, puis on part à la castagne pour en gagner davantage.

Ce chemin est en réalité plus subtil. Premièrement, et car l’enfer est un lieu où les gens savent se tenir, on ne peut attaquer autrui sans raison. Il faut donc que la provocation fasse mouche pour pouvoir lancer une vendetta, sorte de rixe éphémère et faille dans laquelle les joueurs s’engouffrent pour montrer leur supériorité, gagner du prestige, et confisquer au passage la propriété de l’adversaire qui nous faisait de l’oeil. Si l’autre joueur se dégonfle c’est tout bénéf’, il accepte la provocation et cela vous rapporte également des points de prestige, ainsi que des ressources si vous avez opté pour une extorsion. Attention, en cas d’aveux de faiblesse réguliers, le joueur s’expose à une provocation ultime déclenchant la guerre, passible de l’élimination si sa forteresse est détruite. Comme tout jeu de stratégie, la victoire par extermination existe mais se veut ici difficile à planifier.

Le guerrier ambitieux se lancera en revanche à la conquête du Pandémonium, lieu où siège le conclave. En cas de réussite, et s’il conserve le contrôle du lieu pendant 5 tours, la victoire est immédiate. Mais viser ce lieu sacré signifie l’excommunication du fautif, qui ne peut plus gagner les élections, et tous les joueurs peuvent maintenant l’attaquer sans justification jusqu’à son élimination. Ou éventuellement capturer à leur tour le Pandémonium, maintenant affaibli. Il vaut mieux être bien préparé avant une telle entreprise…

Les trois phases du conflit

Comme à peu près tous les aspects de Solium Infernum, le concept de la guerre se veut simple à appréhender mais complexe pour peu que l’on s’y intéresse. Un combat se déroule en trois phases, correspondant aux trois statistiques militaires des légions : attaque à distance, mêlée, puis magie (appelée ici Infernal), dans cet ordre précis. À chaque phase, les valeurs de chaque unité sont comparées et le delta est soustrait des points de vie de la plus faible. À la façon d’un wargame, vous pouvez soutenir une attaque avec une seconde unité, afin de booster la première avec la moitié des statistiques de la seconde.

Mais non seulement les unités et leurs statistiques évoluent avec l’expérience, vous pouvez aussi les équiper de différents bonus. Préteurs, sortes de mercenaires locaux, artefacts et autres stratagèmes viennent donc modifier les valeurs des trois statistiques générales, ou les chambouler ! Votre adversaire vous sentant venir avec votre légion gonflée à bloc en mêlée, investira peut-être dans un moyen de repousser cette phase en dernier ou pire, de la rendre caduque. Un autre vous piègera, ajoutant juste avant votre attaque un bonus considérable à son unité, ou à l’inverse un malus à la vôtre. La majorité de ces informations sont visibles mais gare aux surprises, elles ont tendance à être expéditives.

Enfin, vous êtes invités à utiliser des rituels de sorcellerie pour renforcer une unité ou affaiblir à distance, sinon détruire, la légion ennemie qui vous menace. Vous vous délecterez de la frustration de votre adversaire, qui préparait depuis plusieurs tours son plan brutal à votre encontre pour au final donner un coup d’épée dans l’eau.

… et l’enfer du décor

Certains prétendants au trône préfèreront manigancer dans l’ombre et utiliser la ruse pour parvenir à leur fin. Armé de sa plus belle prose, le diplomate cherchera à conquérir des cœurs, à en diviser d’autres. Bien qu’étant une simple messagerie à envoi différé, cette dernière nous transporte dans un jeu de rôle auquel on se prend avec fougue, impatient de découvrir les réactions et réponses de nos pairs le tour suivant. Des alliances se créent, des mensonges se colportent, on ne sait jamais sur quel pied danser mais on s’élance en se regardant tous du coin de l’œil.

D’autres troqueront les paroles pour des actions fourbes au possible, comme voler ressources ou objets dans les caisses de son voisin. Un autre encore cherchera à « monétiser » la discorde entre les autres archidémons. Pour ma part, j’aime beaucoup déplacer la légion d’un adversaire prête à attaquer et ainsi contrecarrer ses plans. Les possibilités sont nombreuses et, pour peu que vous ayez de l’imagination ou un esprit calculateur, vous pouvez concevoir de drôles de synergies.

Les conspirations représentent une autre source de points de prestige. Tirées aléatoirement en adéquation avec votre profil, ce sont des défis divers qui, une fois atteints, ajoutent un gros montant de prestige à la fin de la partie. Un excellent moyen pour couper l’herbe sous le pied de celui qui se voyait déjà sur le trône.

Enfin, fourberie ultime, la couronne du faiseur de roi. Le joueur possédant cette relique peut parier lors des premiers tours sur l’archidémon qui gagnera la partie. Si tel est le cas, il lui vole la victoire ! Je vous laisse imaginer la stratégie de jeu, à essayer de pousser son « poulain » sans éveiller le moindre soupçon…

Diaboliquement délicieux

Malgré ses mécaniques simples, Solium Infernum se montre redoutable. Le champ décisionnel est tel que chaque tour devient un réel défi cognitif, un jeu aux mille contreparties générant situations mémorables et moments exaltants. Le genre de jeu où après avoir éteint l’ordinateur on cogite, toute la journée et le sourire en coin, aux plans machiavéliques que l’on établira le soir en rentrant à la maison. Pour cela, et tant il me transporte au-delà du simple temps devant l’écran, Solium Infernum se propulse avec aisance parmi mes coups de cœur de l’année. Un grand jeu de stratégie.

Pour en savoir plus, la page steam du jeu. Vous souhaitez savoir ce que nous réserve encore 2024 ? Ma liste est une piste à étudier.

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