La sortie prochaine du deckbuilder tactique Knights in Tight Spaces m’apprend que de nombreux joueurs sont passés à côté de son frère aîné, Fight in Tight Spaces. L’ayant également découvert sur le tard, j’y vois une occasion de vous présenter brièvement cet excellent jeu sorti en 2021 et régulièrement remisé à vil prix.
Tout avait si mal commencé…
Fan de Frozen Synapse et de son concept terriblement addictif, quelle ne fut pas ma déception en apprenant que Mode7 arrête le développement de sa série tactique pour se consacrer à l’édition d’un roguelite à base de cartes. Nullement amateur de ce type de jeu à l’époque et fâché par ce virage abrupt de Mode7, j’ai boudé Fight in Tight Spaces (FitS) sans même daigner l’essayer. Avance rapide en 2024, les goûts comme le temps évoluent, puis après diverses expériences positives me voilà amateur de roguelikes et deckbuilders. Le moment idéal pour qu’apparaisse depuis les méandres de Steam un Fight in Tight Spaces en promotion et déterminé à sauter dans mon panier, comme s’il attendait cet instant depuis 3 ans. Sa mission menée avec succès, un constat s’impose : dieu que c’est bien !
Hommage aux agents secrets de la culture pop
Inspiré par les films d’action des années 80, Fight in Tight Spaces vous place dans le rôle d’un agent de la section 11, espion aussi élégant que redoutable à mains nues, chargé de calmer les ardeurs des différents gangs de la ville. Un parcours évidemment semé d’embûches, durant lequel s’enchaînent des dizaines de combats face à des motards, des prisonniers, ninjas et autres mafieux, cliché assumé et hommage aux classiques du cinéma d’action. Notre espion se débrouille cependant toujours pour se retrouver dans un espace restreint : une ruelle, un petit bar, un bus… mille et un lieux idéals pour castagner avec grâce et violence les parasites sur son passage. Et ce, sans jamais salir son smoking. Mais ça, c’est si vous êtes bon. Mon agent 11 à moi, il gît à côté d’une poubelle, son sang rouge vif ornant le décor blanc immaculé qui l’entoure. Avec son visuel minimaliste et monochrome, le titre possède un charme fou et une identité forte qui n’est pas sans rappeler le fps original -mais nettement plus abstrait- SuperHot.
Entre Slay the Spire et Into the Breach
Fight in tight spaces reprend les grands principes des deckbuilders. Un deck, prédéfini ou construit à la mano et que l’on fait évoluer au fil de l’aventure, à partir duquel sera pioché à chaque tour un nombre de cartes constituant vos coups et déplacements possibles pour le tour. De ces options, le joueur cherchera à jouer de la meilleure façon possible en respectant son budget d’énergie, appelé ici Momentum, pour éliminer le plus rapidement possible les adversaires du niveau. Riche de plus de 200 cartes, le jeu explore avec brio le concept de combat au corps à corps, offrant un panel d’attaques de de mouvements complet ouvrant la porte à différentes approches rendues possibles grâce à l’utilisation de la 3d.
Car FitS se joue sur un échiquier parsemé d’obstacles, à la façon d’un Into The Breach. On s’y déplace d’une vingtaine de façons possibles, esquivant les trajectoires d’attaque des ennemis et dansant avec eux et le mobilier afin de générer de jolis combos créatifs et surtout destructeurs. On attrape, on glisse, on bouscule, offrant en chemin des châtaignes droites, sautées ou retournées aux clients rencontrés. Aidé par les intentions d’attaque et de mouvement des ennemis indiquées, le but reste d’analyser la situation à chaque tour pour sortir de la meilleure façon possible de ce bourbier. Ce boxeur prévoit de faire une attaque jusqu’à deux cases devant lui. Si je le décale d’une case sur la droite, il aura sur sa trajectoire cet ennemi qui me pointe avec son pistolet, me débarrassant de ce dernier et me sauvant au passage d’une blessure par balle. Je pourrai ensuite le défenestrer. En homme simple, j’admire toujours avec satisfaction l’agent 11 se faufiler pour éclater la tête d’un hostile contre le mur ou le projeter d’un bon coup de pied par-dessus la rambarde d’un escalier. Les plus esthètes préféreront cependant tendre des pièges aux ennemis afin de les placer sur les trajectoires de leurs compères pour qu’ils s’entretuent au milieu de ce ballet martial. Fight in tight spaces met du coeur dans les affrontements, qui sous leurs airs de puzzle au rythme saccadé se révèlent dynamiques et plaisants à visionner grâce aux animations convaincantes accompagnées d’effusions de sang qui contrastent avec le style monochrome du titre.
Un bestiaire haut en couleur
Un « run » de Fight in Tight Spaces se compose de 5 actes, appelés ici missions, mettant chacun en scène un gang à neutraliser. Au total, plus d’une quarantaine d’ennemis différents, du gardien de prison au moine saoul en passant par le motard soudeur, chacun doté de compétences spéciales et autres capacités uniques. Cette sectorisation thématique différencie chaque acte avec efficacité et augmente de façon cohérente la difficulté, au risque cependant de lasser le joueur qui sait à quoi s’attendre malgré une génération aléatoire des niveaux.
Quelques teintes de gris
Cette lassitude s’accentue par la redondance des situations rencontrées. Si les développeurs ont fait preuve d’imagination pour les varier au maximum, il n’y a techniquement pas 50 façons de créer un environnement restreint sur un échiquier. Les décors changent mais l’idée et l’approche restent les mêmes (tout comme leur couleur), créant une sensation de déjà-vu plus rapidement que sur un deckbuilder en 2D malgré un plus gros travail abattu sur ce plan.
Enfin, si Fight in Tight Spaces reste dans les grandes lignes ouvert sur le plan tactique et équilibré, il est tributaire d’un aléa capable de plier une partie en générant une situation très difficile sinon impossible. Décors exigus oblige, je me suis déjà retrouvé entouré d’ennemis au départ du niveau, sans option pour m’échapper faute d’un tirage adapté aux cartes. Une situation frustrante pour un jeu à la difficulté par défaut relevée, bien qu’en général la défaite résulte d’une mauvaise réflexion ou d’un deck mal constitué.
Des réserves que je signale mais qui n’entachent que légèrement l’expérience de jeu, que je recommande sans hésiter aux amateurs du genre comme à ceux qui aimeraient le découvrir. À noter qu’un DLC appelé Weapons of choice ajoute de la variété avec entre autres l’apparition d’un deck de “gun fu”, de nouveaux environnements et des ennemis supplémentaires.
Un bonne pioche
Malgré l’arrivée prochaine de sa suite spirituelle, Fight in Tight Spaces reste une valeur sûre pour qui souhaite découvrir ou approfondir sa découverte des deckbuilders. Son style minimaliste et élégant n’a pas pris une ride, tout comme son système de jeu étonnamment rythmé et qui étend la réflexion au-delà des cartes en main. Un quasi sans-faute ludique et artistique qui me fait accepter avec moins d’amertume et un peu de retard l’abandon de Frozen Synapse.
Intéressé par Fight in Tight Spaces ? La page steam du jeu.