Présenté en juin 2024 lors du steam next fest, Hollywood Animal ouvre depuis le 10 avril les portes de son studio. Devenez un magnat du cinéma du XXème siècle dans ce jeu de gestion original disponible en accès anticipé.


Hollywood manager
Loin des formules habituelles rencontrées sur le marché, Hollywood Animal trace son chemin avec un style qui lui est propre. Pas tout à fait un tycoon et encore moins un simulateur de colonie, il s’apparente d’une certaine façon à une version plus narrative de football (ou motorsports) manager dans le Hollywood des années 30. Votre but : monter votre studio de cinéma, éviter la faillite qui frappe les jeunes sociétés puis faire fortune. Pour ce faire, recrutez les bonnes personnes et intervenez sur différents processus décisionnels inhérents à la création de films, à la gestion du studio et aux sphères environnantes (juridique, politique, relationnelle…). Pourquoi une version plus narrative ? Car le jeu se présente aujourd’hui sous la forme d’une histoire linéaire, à l’opposé d’un bac à sable, avec une omniprésence de scripts et d’évènements historiques ou non qui agrémentent votre partie.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, si Hollywood Animal excelle en un point, c’est dans son ambiance. Fort d’une réalisation et d’une esthétique -très- soignées, le jeu nous plonge immédiatement dans son univers séduisant. On se prend au jeu, emporté par le doux son du vieux jazz, à suivre avec passion l’évolution de notre studio, les déboires de nos salariés et, le plus addictif, le succès critique et commercial de nos films. Au-delà de l’envoûtante bande-son, le titre se dote d’une interface et d’une direction artistique sublimes, respectueuses de la patte caractéristique des créateurs. Weappy studio, à qui l’on doit les sympathiques This is the Police et Rebel Cops, consolide ici sa maîtrise dans le domaine.




Et… Action !
L’ambiance est une chose, mais que vaut le système de jeu ? Oubliez le volet construction, anecdotique, la boucle de jeu tourne autour de la création de films, de la conception du scénario jusqu’à la distribution au cinéma. Chaque étape nécessite votre aval. Vous sélectionnez les éléments majeurs du scénario, recrutez les principaux effectifs, définissez les paramètres de tournage, les qualités de production… et ce jusqu’à la planification de la projection, incluant la location des salles et le lancement de campagnes publicitaires ciblées. Sur le papier, cette partie du jeu est plutôt bien fichue. Elle est intuitive, ludique et intègre une quantité appréciable de paramètres avec lesquels interagir pour optimiser le succès de votre film. Seulement tous ces éléments se débloquent au fil de votre partie, vous laissant au début une liberté toute relative. Le menu de recrutement me laisse également une première impression positive. Il liste des candidats aux compétences et personnalités différentes et permet de négocier la durée des contrats et les éventuels avantages en nature. Une fois votre film lancé, vient le moment fatidique des critiques -souvent acerbes- de la presse puis, semaines après semaines, du rapport financier. À combien s’élèveront les recettes ?
Car pour tenir sur la durée, votre studio se doit bien sûr d’être rentable et de gagner de l’argent grâce à vos films. Au delà des frais de production s’ajoutent les salaires des divers travailleurs, les charges d’entretien, les cadeaux… mais aussi l’indemnisation du chien tué par votre acteur névrosé ou le pot de vin laissé à la police pour… vos tâches « secondaires ». Le jeu autorise en effet des approches différentes, vous laissant le soin de prospérer de façon intègre ou d’adopter une posture plus douteuse, voire criminelle. Cette mécanique demeure toutefois secondaire, en retrait par rapport à la réalisation de films et potentiellement absente de votre partie selon les choix que vous ferez.






Dans Hollywood Animal, vos axes de développement se débloquent depuis les différents arbres technologiques (un pour chaque pôle). Certaines branches se concentrent sur l’évolution technique ou artistique (amélioration du matériel sono ou vidéo, nouveaux décors, plateaux de tournage de meilleure qualité…), d’autres sur le social ou le juridique (nouveaux cadeaux pour les salariés, meilleure protection juridique…) quand d’autres virent vers le recrutement de clandestins, l’assassinat de concurrents ou l’instauration de diverses pratiques illégales. Plusieurs centaines de recherches vous attendent. Le bémol : elles sont très, très longues à déverrouiller, jusqu’à plusieurs heures de jeu pour nombre d’entre elles malgré la possibilité d’accélérer la recherche moyennant argent et points d’influence. C’est ici un point frustrant car ces options s’avèrent primordiales à la fois pour des fonctions basiques (réparer un bâtiment ?!) et pour renouveler le plaisir de jeu. Elles ajoutent de la variété, de nouvelles mécaniques et débloquent les différents choix lors des évènements. On peut donc jouer des sessions entières sans changement majeur et se confronter à des situations sans possibilité d’interagir comme bon nous semble. Il ressort de cette décision un côté répétitif, une rallonge aux airs artificiels, comme dans ces jeux free-to-play où tout prend des plombes pour progresser. Ce sentiment irrite d’autant plus lorsque le salarié en charge d’une recherche quitte votre société pour X raison, annulant de facto toute la progression sur ladite recherche qu’il faudra donc reprendre de zéro. J’ai bon espoir que ce dernier point soit revu, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Et en l’état, Hollywood Animal traîne trop en longueur pour ce qu’il propose.




Plus large que profond
Hollywood Animal entre dans la catégorie des jeux que j’appelle étendus, en opposition avec les titres profonds. Le titre grouille de détails appréciables et de petites choses sur lesquelles influer. Diffusez votre film pendant les vacances pour toucher un public plus large, maintenez vos salariés heureux avec des cadeaux pour améliorer leur productivité et la qualité de vos films, interagissez avec le maire, la police et d’autres interlocuteurs externes pour obtenir (ou leur proposer) diverses faveurs… Mais tout cela m’a paru dans l’ensemble superficiel ou peu impactant. Aussi nombreux soient-ils, ces éléments restent fantomatiques et ne nous libèrent pas de la boucle incessante et redondante propre à la création de films. Votre studio prendra vite l’apparence d’une usine, avec des projets qui sortent à la chaîne mais se produisent de façon identique et ne requièrent pas de réflexion. Vous changerez le genre, le protagoniste ou je ne sais quelle variable de votre film, mais dans le fond vous continuerez à faire machinalement la même chose et avec de moins en moins d’entrain, accélérant la vitesse de jeu pour tuer les nombreux temps morts et passer au projet suivant. Il manque au jeu une sphère plus cérébrale pour tenir en haleine, comme par exemple des problématiques à résoudre ou à anticiper. À ce jour le volet stratégique se révèle trop limité, pour ne pas dire inexistant, avec une poignée de choix évidents et une absence totale de défi passé les premières années.
J’aurais aimé m’investir davantage dans la réalisation des films, que chaque projet soit unique et mémorable. Produire moins pour m’impliquer plus, avec entre deux films des défis variés, des tâches à gérer pour améliorer mon entreprise, me défendre des concurrents ou simplement sortir la tête des tournages. Ce n’est pas le cas. J’aurais aimé un volet construction plus présent, avec de réels choix à faire plutôt que simplement tout construire une fois la technologie recherchée. Même constat pour la négociation des contrats de travail, sympathique les premières fois mais vite rébarbative, surtout si l’on applique une stratégie d’intérim avec nos salariés pour maîtriser nos dépenses. Après une poignée d’heures je ne pouvais déjà plus encadrer cette fenêtre et ses multiples animations impassables, suppliant intérieurement les développeurs de nous fournir un menu sans fioritures, moins esthétique mais plus expéditif. Ce dernier point vaut d’ailleurs pour tous les menus du jeu, contaminées par des animations obligatoires et d’innombrables boutons “continuer” qui scindent d’autant plus le rythme.






J’en viens à la conclusion que Hollywood Animal n’est pas à proprement parler un jeu de stratégie. Ses qualités intrinsèques font de lui un titre agréable, ludique et potentiellement addictif, dans lequel on s’amuse à imaginer des films et chercher des formules à succès. Mais n’attendez pas de lui de la densité ou de la profondeur stratégique au risque d’être déçu. C’est un peu mon cas. Le jeu a du potentiel mais n’est pas satisfaisant passé la phase de découverte. Il peine à se renouveler et se repose peut-être un peu trop sur son ambiance au détriment de l’aspect cognitif. Il reste d’ailleurs avare en informations, limite cryptique, le comble pour un jeu de gestion. Par exemple, il ne nous indique pas de façon précise les impacts que peuvent avoir les différents réglages et les nouvelles technologies sur notre film, ni pourquoi notre projet prometteur devient subitement un navet passé la pré-production. Ni pourquoi tel acteur perd subitement en loyauté. On devine les facteurs potentiels, on peut aussi s’aider des flèches indicatives et des analyses obtenues plus tard, mais le résultat reste imprécis. C’est un parti pris compréhensible, bien que je soupçonne une part importante de hasard dans les différents algorithmes (qui perdent de temps en temps les pédales) qui justifierait l’absence de rapport détaillé.
Point sur l’accès anticipé
Le jeu est prévu en accès anticipé jusqu’à la fin de l’année, signe d’un bon degré d’avancement. La version actuelle propose le premier acte qui se termine à la fin des années 1940, soit environ 20h de jeu. Les premiers mois de suivi serviront à chasser les principaux bugs et soucis d’équilibrage puis les suivants rajouteront du contenu narratif et de nouvelles mécaniques. Je confirme que le jeu nécessite un rééquilibrage, et ce malgré un premier patch. Il s’avère punitif les premières années (prévoyez une partie à blanc pour découvrir quelques astuces) mais devient bien trop facile par la suite, même quand l’algorithme nous pond des farces comme l’absence de candidats compétents ou l’impossibilité de rejoindre les associations pour augmenter le tarif des places. L’histoire du jeu requiert également une révision, avec de nombreux scripts et évènements en début de partie -avec lesquels on ne peut interagir faute de recherches débloquées- puis nettement moins par la suite. Et quand ils surviennent, c’est simultanément, par grappes. Les développeurs ont du pain sur la planche. Sans endosser mon rôle de pessimiste, je ne serai pas surpris que le jeu prolonge sa phase de finition en 2026.


Ludique mais pas à mon goût
J’ai le sentiment qu’Hollywood Animal n’est pas un jeu pour moi. J’attendais peut-être trop de lui, mais malgré son charme évident sa boucle de jeu peine à me convaincre passé la phase de découverte. J’espérais un titre plus stratégique, plus pointu, plus exigeant. Je n’ai cependant aucun doute sur le fait que le jeu séduira du monde grâce à sa réalisation exemplaire et l’ambiance qui en découle. Il propose une expérience narrative et immersive de première classe qui, si vous êtes bon public, vous absorbera des dizaines d’heures. Reste l’état actuel du jeu, perfectible notamment en terme d’équilibrage, avec une difficulté à lisser, des mécaniques encore anecdotiques, de longs temps morts par manque de tâches à réaliser et une répartition inégale des scripts et évènements (*en date d’avril 2025*). Mais la base est prometteuse. Si les développeurs se penchent sur ces sujets avec autant de passion que pour le reste, Hollywood Animal deviendra un bien meilleur jeu.
Page steam de Hollywood Animal | Tarif : 19€.