Pour cette deuxième partie du guide du débutant dans le wargaming PC (partie 1 ici), une liste de concepts généraux et de conseils, purement militaires ou propres au wargame, à assimiler. Des informations basiques, toutefois utiles pour un nouveau joueur potentiellement sans bagage. Selon l’échelle de jeu, la période traitée, le type de bataille ou même le camp choisi (et sa doctrine), l’approche stratégique change et il est impossible de rédiger un guide universel. Des livres comme L’art de la guerre de Sun Tzu, ou De la guerre, de Clausewitz, offrent une théorie sympathique dont je me sers dans cet article, mais pour des conseils plus spécifiques, je vous invite à feuilleter les ouvrages dédiés aux conflits qui vous intéressent ou à maîtriser les règles du jeu auquel vous souhaitez vous perfectionner. Certaines idées restent cependant « vraies » pour une majorité de situations et vous en trouverez une partie ci-dessous, à utiliser en complément de votre analyse personnelle.

Deux concepts majeurs : la reconnaissance et la logistique

La reconnaissance

J’ai longtemps relégué ce principe au second plan en jouant aux jeux de stratégie, mais aussi sur mes premiers wargames. C’est une erreur. Sans reconnaissance, vous combattez en aveugle. Un bien lourd handicap pour espérer gagner une bataille. À partir du moment où le jeu intègre un brouillard de guerre, la reconnaissance est primordiale, en début de partie mais aussi après. Vous devez savoir à qui vous faites face et d’où cette menace vient. Votre ennemi tente-t-il une manœuvre de contournement, concentre-t-il des forces pour briser un point de votre défense ? Situez-vous ses faiblesses ou ses zones clés ?

De nombreux jeux limitent la reconnaissance à un simple déplacement de troupes, qui repéreront automatiquement les unités ennemies à portée de détection. Courant aussi, ce même système avec un simple indice de camouflage de l’unité et du terrain, permettant embuscades et infiltrations. Enfin, plus rare, des jeux tentent de simuler cet aspect avec plus de précisions.

Pour les affrontements terrestres, la série Combat Mission reste une référence. Bien que perfectible, avec occasionnellement un raté peu crédible, son système de reconnaissance réussit à simuler la difficulté à repérer un ennemi qui cherche à ne pas être vu. Le repérage peut se faire instantanément, par exemple un soldat qui court sur une route dégagée, comme il peut prendre plusieurs minutes voire ne pas aboutir, pour un tireur immobile et bien camouflé. Dans la capture ci-joint, j’ai repéré et identifié deux blindés au loin, mais pas totalement celui juste en contrebas, estimé près de la maison. Quant aux fantassins, ils ont beau être plus proches, je ne les vois toujours pas.

Pour le naval et l’aérien, la simulation Command Modern Operations impressionne par son niveau de détails. On y apprend à jouer avec les différents radars et à faire usage de l’environnement pour camoufler sa présence. Mention spéciale aux sous-marins, que l’on immobilise au fond de l’océan, profitant des bruits ambiants pour cacher les ondes de nos sonars, avant d’utiliser un périscope positionné juste au-dessus des vagues. Un titre visuellement abstrait mais incroyable d’immersion (et pas qu’avec un sous-marin), justement grâce à ce jeu de cache-cache technologique avec l’ennemi.

Le ravitaillement

La logistique, nerf de la guerre ? En tout cas un élément central et décisif, ainsi qu’un levier important pour affaiblir l’ennemi. Destruction ou capture des dépôts, coupure des lignes de ravitaillement, mais aussi gaspillage des munitions du camp en face sont des méthodes pour mettre à mal la situation de votre adversaire. Bien entendu, ce dernier chercher à faire de même, donc la défense de son infrastructure reste aussi importante que sa construction. Parmi les effets d’un manque de ravitaillement, une baisse de moral et d’efficacité au combat jusqu’à ce que mort s’en suive pour des jeux abstraits, quand d’autres plus pointus immobiliseront un véhicule sans fuel ou ne permettront pas d’attaquer sans munitions.

Comme pour la reconnaissance, de nombreux jeux intègrent des éléments de logistique, souvent de façon simpliste, quand d’autres poussent le concept au point de lui faire retrouver sa place de roi.

Impossible de ne pas citer Shadow Empire, cet hybride 4x/wargame qui simule avec précision cet aspect de la guerre. Vous construirez divers dépôts puis tracerez des routes de différentes capacités, par lesquels transiteront vos ressources (nourriture, munitions, carburant…) jusqu’à vos unités. Attention aux goulots d’étranglement, au niveau des dépôts comme des routes, rapidement atteints lorsque l’on déplace massivement des troupes. Si vous souhaitez faire de la logistique votre métier, rien de tel que la série War In The (East, West…), qui pousse encore le degré de précision tout en se jouant sur une échelle bien plus grande.

Plus simples et citées dans la première partie de ce guide, les séries AGEOD, SGS et Unity Of Command, qui bien qu’abstraits réussissent à rendre ce pan important sans vous noyer dans les détails. Ils vous dispensent de la tenue de comptes d’apothicaire pour seulement vous concentrer sur les manoeuvres. Sur cette capture de Unity Of command 1, on cerne bien les dépôts, les rails qui prolongent les lignes, et grâce aux chiffres les portées de ravitaillement.

Pas de plan B ?

Il y a le bon stratège et le mauvais stratège. Le mauvais stratège, il n’a pas de plan. Alors que le bon stratège, il n’en a pas non plus mais on dirait que oui.

Blague à part, malgré un plan initial, les conflits se veulent tellement chaotiques que votre objectif évoluera sans cesse. Deux idées générales :

  • L’idéal est de constituer un plan initial, après analyse de la situation. Quels sont vos objectifs, à court comme à long terme ? Comment y parvenir ? Par exemple, j’attaque la ville de face avec le premier bataillon pendant que j’entame une manoeuvre par la forêt avec le second, qui prendra la ville de flanc ou à revers.
  • On se concentre ensuite localement. Que peut faire ce char pour me rapprocher de la victoire ? Peut-être prendre position sur cette colline, pour soutenir l’avancée des fantassins. Ce régiment peut capturer cette ville, et ainsi prolonger une ligne de ravitaillement. Cet éclaireur ennemi est menaçant, j’en fais une priorité. Ce véhicule moins, il y a plus urgent.
  • On regarde de nouveau la carte globale. Le plan initial reste-t-il le meilleur, ou des opportunités se sont elles dévoilées ? Bis repetita, au fur et à mesure de la partie.

Cette façon de faire se veut moins intimidante que théoriser en profondeur sur une carte éloignée avec des centaines ou milliers de pions. Il est facile de se sentir submergé en début de partie, autant découper la réflexion et rester simple.

Astuces diverses

La ligne défensive 

Elle doit être le plus étirée possible, entre autres pour éviter un contournement, mais pas trop non plus pour ne pas devenir une passoire. Votre ligne ne doit pas être un rempart unique, qui une fois percé ouvre les portes de la totalité de votre territoire à votre adversaire. Pensez aux lignes secondaires, ou si vous êtes limité en effectifs, à des troupes en retrait qui freineront votre ennemi le temps de reformer votre défense. On est trop facilement tenté de former une grosse première ligne plutôt que « gâcher » des forces en arrière. Pourtant, ça peut vous coûter la partie. Mais alors, où accentuer sa défense ? Autour des routes et points clés par exemple, pour le reste, je vous renvoie au chapitre sur la reconnaissance !

Certains wargames intègrent ce que l’on appelle des ZoC, zones de contrôles, présentes autour des unités. Simulant la difficulté à passer à proximité d’une position ennemie, elles servent de protection « antijeu » pour les wargames se jouant au tour par tour alterné (IgoUgo) et permettent d’élargir la ligne défensive sans agglutiner vos troupes.

De nombreux wargames proposent une option pour retrancher les unités, leur octroyant un gain défensif au détriment de leur capacité de mouvement. Un détail parfois oublié mais ô combien utile pour tenir une position. En parallèle de votre ligne statique, pensez également aux embuscades et à la défense mobile, notamment en zones denses ou urbaines, propices au harcèlement et à la surprise.

Attaque concentrique et manoeuvres de base

Diverses formations d’attaque existent pour répondre à différents besoins, mais l’attaque concentrique (ou concentrée) reste un concept important. L’idée est de chercher à percer la défense de son adversaire en un point plutôt que disperser ses frappes, en utilisant les forces frontales appuyées des troupes à proximité qui viendront soit en renfort, soit en effectuant une manoeuvre visant à déstabiliser l’adversaire.

Par exemple avec une attaque de flanc. Le classique, toujours efficace pour briser le moral des troupes ennemies. Sur une action rapide on utilisera en général des unités mobiles comme la cavalerie ou une section de blindés légers, mais dans le cas d’une longue manoeuvre, ce type d’attaque reste possible avec n’importe quelle unité.

Encercler son adversaire ? Sun Tzu suggère qu’un encerclement ne devrait jamais être complet et qu’il faut laisser à l’ennemi un chemin de fuite afin qu’il ne se batte pas de façon désespérée. Le but ici n’étant pas de le laisser partir, mais plutôt de faire en sorte que ce chemin se trouve idéalement dans votre ligne de mire. Un concept pas toujours facile ou intéressant à mettre à oeuvre, mais qui porte à réfléchir. Il n’empêche que former un chaudron, l’encerclement d’une belle poche ennemie, reste un moyen aussi basique qu’efficace, à garder en tête autant sur le plan offensif que défensif.

Enfin, la pince s’avère une manoeuvre aussi intéressante en attaque qu’en défense. Laissez votre adversaire avancer, séparez vos forces en deux, puis regroupez les sur la formation ennemie dorénavant prise en tenaille.

Constitution de sa défense et de son attaque

Bien que dépendant de nombreux facteurs tels que la période ou la doctrine, la constitution de sa défense, ou de son attaque, suit des « règles » générales. Votre artillerie, votre archer, toute unité tirant en cloche, se doit d’être protégée et non en première ligne. Laissez ce rôle aux piquiers ou aux fantassins de base. Les blindés excellent en terrain ouvert, beaucoup moins en zone urbaine. Pour l’infanterie c’est l’inverse (j’omets ici les drones et autres nouveautés que l’on découvre avec les guerres actuelles, qui chamboulent tout mais sont peu représentés à ce jour dans nos wargames).

Usez autant que possible de manoeuvres interarmes, à savoir une combinaison des différents types d’unités en votre possession. Une erreur courante serait le spam avec un même type d’unité, quand la simple utilisation d’une artillerie ou d’un raid aérien bien placé donnera un meilleur résultat. Apprenez les forces et faiblesses de vos canons, de vos tanks, des différentes armes, pour une composition de forces optimale. Autre chose, pensez flexibilité. Êtes-vous en mesure de réagir rapidement en cas d’imprévu ?

Du bon usage du terrain

La majorité des théâtres requièrent un bon usage du terrain et de votre environnement. Votre progression sera plus lente en forêt, mais vous gagnerez en discrétion et couverture. Les montagnes se révèlent souvent difficiles à capturer, en raison d’une contrainte en mouvement mais aussi du gain de visibilité obtenu par votre adversaire en hauteur. Les rivières ne sont pas plus faciles à traverser, faisant des ponts d’importants points stratégiques et des cours d’eau d’excellents remparts naturels derrière lesquels prendre position. Les bâtiments offrent aussi des bonus de vision ou de couverture non négligeables, mais sont des cibles privilégiées. Ces murets feront d’excellents obstacles pour camoufler ma progression. Ces herbes hautes m’inquiètent, un ennemi pourrait y progresser en rampant. Analysez votre terrain, ses avantages, ses inconvénients, ses routes évidentes comme celles de contournement. Il est peut-être possible de planquer une artillerie derrière des immeubles, ou de tenter une infiltration par la forêt. Votre ennemi peut-il attaquer de flan, vous contourner ? Est-il forcé de prendre un passage en particulier ? Une analyse globale sera faite en début de partie, mais continue ensuite en raison du dynamisme sur la carte. Des opportunités apparaîtront forcément.

Guerre psychologique et surprises

D’une certaine façon, le wargame fonctionne comme un jeu d’échec à plus grande échelle. Il faut être capable de surprendre votre adversaire, de le déstabiliser, le tromper, lui mettre le doute. La guerre psychologique, un moyen redoutable d’arriver à vos fins, et encore plus facile à appliquer sur un wargame PC qu’aux échecs en raison du brouillard de guerre.  

Entre audace et sécurité

On n’ose parfois pas se lancer dans un assaut, contrôlés par cette aversion à la perte qui tape dans notre cervelle au pire moment. Pourtant, de nombreuses batailles historiques comme virtuelles se sont soldées par la victoire du commandant le plus audacieux. Il ne s’agit pas ici de partir dans tous les sens sans une once de réflexion, mais plutôt de jauger différemment le risque, de planifier autour de lui et d’apprendre à accepter que les pertes sont inévitables. Et parfois, ces dernières permettront d’en éviter davantage. Si l’action souhaitée est légèrement risquée, plutôt que l’abandonner analysez là plus en détail, c’est peut-être une bonne idée de l’exécuter.

Faut-il apprendre la symbologie de l’OTAN ?

Vous pouvez très bien vous en passer car de nombreux jeux proposent des silhouettes ou des modèles 3D. Ceci dit, ces célèbres icônes restent utiles à connaître, de par leur aspect universel, donc identique d’un jeu à l’autre, mais surtout épuré. De plus, certains wargames avancés ne vous laisseront pas d’autre choix. L’apprentissage, plus simple qu’il ne paraît aux premiers abords, peut se faire de façon progressive, au fil des années, avec un tableau récapitulatif, des quizz ou des jeux qui proposent les deux affichages (SGS, Strategic Command…). Dans l’ensemble, la majorité des icônes ne servent pas et vous verrez toujours les mêmes : infanterie, infanterie mécanisée, blindé, artillerie… inutile donc de connaître la symbologie complète.

Ainsi s’achève ce guide. Retenez bien ces concepts qui peuvent paraître évidents, car même après des dizaines ou des centaines d’heures de jeu, on réussit à se faire surprendre bêtement. Le reste de votre apprentissage se fera au fil de l’eau, en pratiquant, en faisant de belles bourdes, doucement mais sûrement. Une troisième partie verra le jour si je trouve des idées (entrer en détail dans les différentes échelles, dans un conflit précis ?) mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Bon apprentissage à tous !

3 Comments

  1. Salut,
    C’est Tony… celui qui pose des questions et fait des commentaires… Ca faisait un moment que je n’avais pas visité ton site après un 1er passage, et là, oh ! Super dossier joliment illustré, ainsi qu’une nouvelle très belle maquette/mise en page si ma mémoire est bonne.

    1. Bonjour Tony !

      Bienvenue à la maison. Tu as trouvé la section commentaires,je te laisse choisir un fauteuil et te servir au bar qui est sur ta droite.

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