En attendant un futur wargame à vous présenter, je continue d’explorer les fabuleux univers des roguelikes et des deckbuilders. Il faut dire que si je n’étais pas, encore il y a peu, un bon client ni de l’un ni de l’autre, je prends maintenant un grand plaisir à décortiquer ces titres offrant à la fois des parties courtes et une belle profondeur de jeu. Des qualités qui caractérisent bien Knock on the Coffin Lid, dont la sortie est prévue le 8 août après quatre ans d’accès anticipé.
Le cercueil n’est pas une fin en soi
*Toc Toc*
Alors que l’on frappe à la porte, vous vous réveillez la tête lourde et un brin déboussolé, conséquences inévitables de votre soirée festive de la veille. Le couvercle du cercueil s’ouvre et Mortis, sorcier grisonnant peu commode vous accueille avec l’austérité qui est la sienne. Votre soirée a comme qui dirait dérapé puisque vous et vos amis avez été mortellement empoisonnés par un mystérieux assassin. Votre résurrection, vous la devez à Mortis, impatient néanmoins de vous voir rejoindre sa cause, non sans vous laisser investiguer sur votre propre mort.
Dans Knock on the Coffin Lid (Kotcl), le cercueil symbolise votre renaissance, le point de départ de chaque nouvelle session de jeu. Respectant les principes des Roguelikes et deckbuilders, le but du jeu est de progresser à travers 3 actes, proposant chacun plusieurs itinéraires alternant combats, évènements et lieux de repos, afin d’arriver au boss final puis de recommencer. Comme dans Deathless : Tales of Old Rus, Kotcl présente l’aventure à travers un arc narratif et des « quêtes » à résoudre. Chaque session représente une boucle temporelle, durant laquelle vous explorez les différents secteurs de ce monde dynamique et riche en détails afin de progresser dans le scénario et trouver un moyen de tuer l’ultime boss du jeu. Mais contrairement à Deathless, la narration y est omniprésente, à la façon d’un jeu de rôle, avec des dialogues qui accompagnent la quasi-totalité des étapes. Hermétique à tout cela, si je reconnais que le scénario s’avère travaillé pour le genre, j’apprécie la possibilité de les accélérer et ne refuserai pas une option pour les désactiver. Après tout, je doute être le seul à jouer à ce type de jeu pour ses qualités stratégiques et cliquer une vingtaine de fois pour dérouler les moulins à parole entre chaque nouveau combat risque d’en agacer plus d’un. Ce changement nécessiterait toutefois d’étoffer le journal de quêtes puisque de nombreuses informations passent seulement via les dialogues. Il en reste un univers agréable à découvrir, un voyage agrémenté de dilemmes, et voir en fin de partie les conséquences de nos décisions se révèle toujours plaisant.
Le bon, la brute et l’amie des bêtes
Knock on the Coffin Lid propose 3 héros jouables :
- Perceval, personnage classique proche de Ironclad du jeu Slay the spire. Un chevalier spécialisé dans le combat au corps à corps, avec une jauge d’énergie traditionnelle pour jouer les cartes de sa main.
- Bjorn, capable de se transformer en loup-garou. Il ne possède pas d’énergie et consomme à la place ses propres points de vie pour jouer les cartes. L’alternance entre les deux formes est par défaut nécessaire et régulière, puisque chaque carte correspond à un état précis.
- Vanadis, archère sachant domestiquer les animaux sauvages, qui se joue avec deux jauges énergie et des cartes recto verso, selon si l’on contrôle Vanadis ou l’animal.
Ces personnages incorporent, en plus de leur spécificité maîtresse, des mécanismes de jeu propres à chacun. Perceval peut par exemple mettre un ennemi à découvert pour occasionner 50% de dommages en plus, Bjorn se soigne à volonté, quand Vanadis sait manipuler le gel et les brûlures (liste non exhaustive).
Enfin, chaque héro se décline en quatre classes. Si celles de Perceval et Bjorn sont peu parlantes sans connaître le jeu, puisque s’agissant essentiellement de variantes, Vanadis change avec chaque classe d’animal et donc de type de support.
Roguelike oblige, tout se débloque en jouant. On commence le jeu avec Perceval et il faudra tuer le boss du troisième acte pour débloquer Bjorn, puis faire de même avec ce dernier pour débloquer Vanadis. Faits appréciables, cela s’intègre dans la logique du scénario et l’on déverrouille rapidement les deux personnages. Au vu du caractère punitif du jeu, je vous invite cependant, si vous préférez les carottes dans l’assiette plutôt que dans votre loisir, de passer le jeu en facile pour gagner les personnages puis repasser sur des difficultés supérieures après.
Les classes se déverrouillent et développent de façon plus classique, avec des points d’expérience obtenus en fin de partie. Si elles nécessitent de nombreuses heures de jeu pour tout obtenir, leur impact sur le plaisir de jeu s’avère plus faible que les héros et par conséquent, leur lente progression peu frustrante.
Un système de jeu maîtrisé
Des mécaniques centrées sur les cartes…
Les deckbuilders se ressemblent et Kotcl ne fait pas exception, avec un jeu de cartes à développer puis à jouer en consommant de l’énergie. Le stratège habitué peut sortir les charentaises tant il se sentira chez lui, quand le débutant prendra vite ses marques, accompagné par le tutorial et l’interface générale aux petits soins. Si le système de Kotcl ne brille pas par son originalité, il est en revanche conçu avec élégance et précision. On sent la finesse de jeu, l’intérêt de chaque carte ou encore l’équilibre entre les nombreux bonus et malus qui offrent autant de façons de jouer. On entrevoit rapidement les possibilités qu’offrent les manipulations de decks et l’on se laisse rêver en imaginant des plans difficiles à mettre en place, à base de récupération de cartes défaussées ou d’utilisation maline des cartes malédiction ou statut subies pour décupler sa puissance. Knock on the Coffin Lid procure avec ses mécaniques de deckbuilding de superbes sensations et tient le joueur engagé dans les combats comme lors des phases de repos.
À la gestion de l’inventaire….
Au-delà des mécaniques de deckbuilding, votre stratégie dans Knock on the Coffin Lid se joue également au niveau de votre équipement. Comme dans un jeu de rôle, votre héros possède un inventaire avec des emplacements d’armes, d’armures, de reliques et de consommables. Lors de votre périple, vous gagnerez à de nombreuses occasions du matériel -à choisir parmi une sélection- pour équiper votre héros. Matériel qui influera sur vos caractéristiques et qui octroiera également des effets permanents ou temporaires, du même type que ceux trouvables sur les cartes. Si certaines pièces d’équipement sont uniques, la plupart font partie d’un set, d’un ensemble, et plus vous possèderez de pièces d’un même ensemble, plus les bonus gagnent en puissance. Ce pan du jeu décuple les possibilités offertes par le deckbuilding et permet de générer des effets boule de neige aussi impressionnants que savoureux. Quelle satisfaction lorsque l’on empile au fil des tours nos bonus pour occasionner plus tard des dommages absolument colossaux ! J’ai par exemple combiné une arme qui m’infligeait un léger saignement avec une carte qui augmente ma force à chaque perte de points de vie. Couplés avec une autre carte qui me faisait récupérer la précédente et me permettait donc d’empiler de plus en plus de force à chaque blessure, en quelques tours, mon attaque basique est passée de 6 dégâts à plus de 100. Oubliez toutefois l’habituelle collection de reliques, ici vous ne pouvez en équiper qu’une seule.
Pour un résultat addictif
La satisfaction qui découle de cette formule, plus complexe qu’à l’accoutumée mais étonnamment fluide souris en main, développe une douce addiction pour celle-ci. C’est, je crois, la première fois que j’enchaîne sans forcer 3h d’affilée sur ce type de jeu, là où d’habitude, au bout d’une heure ou d’un parcours complet je mets fin à ma session. La générosité en contenu dont fait preuve le titre facilite la rejouabilité : un bestiaire de 120 ennemis issus de la fantaisie médiévale (nains, elfes, trolls, zombies…), plus de 400 objets, environ 900 cartes, le tout sur des actes partiellement aléatoires malgré le fil conducteur du scénario. Une recette idéale pour engloutir des dizaines d’heures dessus.
Contrôle qualité
Un cercueil bien confortable
Si l’on omet l’absence d’une option pour supprimer totalement les dialogues, Knock on the Coffin Lid mérite une belle note pour son confort de jeu. Grâce à son interface aussi simple que limpide et riche en infobulles, le jeu est d’une clarté irréprochable. Un détail sympathique : les cartes rangées en ligne et toutes lisibles sans devoir passer le curseur dessus. Et dire que par habitude, j’étais réticent face à cette présentation… Enfin, je m’éprends du mode rapide, qui porte très bien son nom et déleste l’expérience de toutes les nuisances temporelles (sauf les dialogues). Un indispensable, passé les premières parties.
Visuellement… correct
J’émets en revanche des réserves sur le parti pris artistique du jeu. Si les décors restent agréables à l’œil, j’éprouve des difficultés à m’accommoder de ce style visuel des personnages, du dessin à l’animation, que je trouve un brin simpliste et parfois ridicule. Au vu des commentaires positifs sur la toile, je représente cependant, semble t-il, une minorité. D’un autre côté, le jeu affiche l’équipement réellement porté par chacun, là où de nombreux titres se contentent d’un modèle prédéfini. Rien à redire par contre sur les rares cinématiques, somptueuses, dont je vous laisse un avant-goût plus bas.
Une boucle de plus ?
Les quatre années d’accès anticipé auront permis à Redboon de sculpter Knock on the Coffin Lid jusqu’à en faire un indispensable. Quatre années à peaufiner sa formule mêlant roguelike, deckbuilding et jeu de rôle, à trouver un savoureux équilibre dans ses mécanismes, à concevoir cette oeuvre agréable à explorer, fluide à jouer et discrètement addictive. Parce que 1500 mots ne remplacent pas un essai en conditions réelles, je vous invite à tester Prolog, sa version gratuite incluant seulement Perceval, qui vous permettra de vous forger votre propre opinion sur ce petit joyau à l’excellent rapport qualité prix.
Intéressé par Knock in the Coffin Lid ? La page steam du jeu et celle de la version gratuite Prolog. Si vous aimez les deckbuilders, je vous invite à jeter un oeil à Deathless : Tales of Old Rus, moins complet mais également satisfaisant.