Test | 63 days (tactique temps réel)

Les développeurs du discret War Mongrels reviennent à la charge avec 63 days, jeu de tactique en temps réel à la formule peaufinée qui se déroule dans la Varsovie occupée de 1944. Un titre clivant à bien des égards, que je vous invite néanmoins à garder dans votre cône de vision si vous êtes amateur de ce style de jeu sous-représenté.

Desesperados

À l’opposé du récent et déjanté Sumerian Six, 63 days nous plonge dans l’univers grisâtre de la Varsovie sous l’occupation Allemande. Le 1er août, dans le cadre de l’opération tempête, la résistance Polonaise lance un mouvement d’insurrection de la population qui perdurera jusqu’au 2 octobre. Aux antipodes des commandos, ninjas et autres professionnels de l’infiltration, les héros du jeu ne sont autres que des gamins qui assistent à l’exécution sommaire de leur famille, de leurs amis, et à la destruction de leur quartier. Animés par un désir de vengeance, mais aussi d’aide à la population, ils se décident à rejoindre les partisans. Hormis ce panel d’unités atypique, 63 days instille une ambiance froide tout le long du jeu, à travers les situations et environnements rencontrés mais également la forte -et réussie- narration intra comme inter mission qui nous absorbe du premier au dernier chapitre. Malgré des victoires tactiques en début d’opération qui laissent rêveurs nos personnages, la situation générale se détériore et le jeu nous enfonce progressivement dans le désespoir. Amateurs d’ambiance morose à la This War Of Mine, 63 days devrait vous plaire. Si en revanche les 50 nuances de gris ne vous font pas vibrer, circulez y’a rien à voir ! La couleur est en effet aux abonnés absents du début à la fin, si l’on omet bien sûr les flammes qui sillonnent le terrain de jeu et ornent tristement votre quartier.

Desperapros

Vous voilà donc aux commandes d’unités pour le moins… rudimentaires. Petit jeune peut jeter un cailloux pour détourner l’attention d’un garde, Heniu peut assommer les unités sans casque avec sa batte, quand Helga peut faire la morte pour attirer un garde. Des personnages dotés de deux à trois compétences uniques, incapables de frapper un garde ou de déplacer son cadavre. Seuls les deux adolescents peuvent neutraliser une cible au corps à corps, et seulement dans le dos. Un choix thématique, ce sont des enfants après tout, qui force à un style de jeu particulier et centré sur les actions de groupe. Le jeu autorise également la progression par le feu, avec la possibilité pour chaque personnage d’équiper une arme dont le calibre dépend de sa force. Un mode de contrôle alternatif proche d’un shooter est d’ailleurs accessible via la touche C, sacrifiant la précision pour une meilleure mobilité. Cette stratégie trop puissante sur le papier se révèle au final équilibrée, bien que moins satisfaisante que l’infiltration dans le silence.

Il en résulte cependant une forte impression de jouer à un puzzle, impression renforcée par la conception des niveaux, retords et bien peu permissifs. Les actions passent souvent de justesse en raison d’un placement ingénieux (ou fourbe) des différents ennemis, tous avec des patrouilles et angles de vue vicieux qui génèrent pour la moindre progression un intense brainstorming. Loin d’une expérience fluide, 63 days se révèle difficile et nécessite une sacrée dose de patience pour être apprécié. Les zones se traversent grâce à une élimination méthodique de chaque garde, l’un après l’autre, avec une liberté d’action toute relative. Et c’est qu’ils sont nombreux les gardes, parfois plusieurs dizaines. Si j’ai pour habitude de m’interdire tout déclenchement d’alarme, ici j’ai rapidement lâché l’affaire, soucieux de ma santé mentale. Les alarmes ont donc intégré ma stratégie et il m’a tout de même fallu 20 heures pour venir à bout des 6 missions que propose le jeu. De quoi vous donner une idée du défi qui vous attend, d’autant plus que la qualité de sa réalisation vient quelque peu entraver le plaisir de jeu…

Un confort soviétique

Partisans de la liberté, j’ai le regret de vous informer que 63 days se joue sur des rails. Les missions sont scriptées, avec une ouverture progressive de la carte et des objectifs. Un système de conception que je déteste et qui m’a valu quelques défaites stupides, comme ce garde évité discrètement qu’il fallait en réalité neutraliser car il se trouvait sur le chemin d’alliés soudainement activés par un script. Parfois, traverser une porte enclenche l’apparition de renforts ennemis, quand d’autres fois il active une nouvelle phase de la mission à laquelle il vaut mieux s’être préparé. Votre meilleur allié ? La sauvegarde rapide. Usez-en, abusez-en, cela réduira l’éventuelle frustration, malheureusement exacerbée par les différents bugs, concepts douteux et autres défauts d’ergonomie. Pathfinding qui perd les pédales, ennemis parfois omniscients (et champions olympiques du lancer de grenades), contrôles sensibles… le jeu regorge de petits pépins qui entachent l’expérience et je ne peux donc le conseiller qu’à ceux capables de faire fi de ces obstacles et de jouer à un jeu (très) pointilleux.

Enfin, je ne peux que regretter l’absence d’une carte ou à minima d’un dé-zoom correct pour analyser la situation. En l’état, il est nécessaire, et pénible, de déplacer sans cesse la caméra, pour surveiller un simple ennemi comme pour contrôler ses propres lignes de tir. Une note également pour ceux qui aiment jouer à la manette. Malgré la compatibilité complète indiquée par steam, le jeu est injouable ainsi. En effet, le joystick ne déplace pas le personnage, comme dans Sumerian Six et les jeux Mimimi, mais émule une souris. Le jeu est suffisamment dur de base pour ne pas s’infliger des contrôles pareils.

Puis la magie fut…

Et pourtant, sous la condition d’être patient et indulgent, le charme opère. J’ai pesté, râlé, contesté, me suis même franchement énervé face à certains passages. Puis je continuai à jouer, soulagé d’avoir réussi tel secteur et désireux de voir la suite. Là où de nombreux jeux auraient connu une terrible défenestration, lui a toujours su me donner envie de revenir. 63 days est attachant. Il me rappelle les premiers Commandos, à crapahuter armé de son fusil à lunette ou de son couteau pour éliminer le maillon faible de la défense Allemande. Le premier domino que l’on pousse avec fierté, après avoir longuement scruté chaque élément et avant de voir tomber tous les autres successivement. L’alarme sonne, les ennemis fouillant toutes les cachettes alentours pour débusquer un éventuel suspect, mais il se trouve déjà loin. Le calme revenu, un soldat quitte sa patrouille pour déplacer le cadavre encore frais. Deuxième domino… La dense toile de cônes de visions ennemis s’amenuise et la proie devient chasseur. Ingrat, sadique, tordu, mais exultant, 63 days.

On se laisse également porter par le scénario, certes basique mais bien présenté, avec des cinématiques esthétiques et des dialogues peu intrusifs. Une prouesse pour un genre où ce pan de jeu laisse en général à désirer. Le jeu regorge en outre de détails et mécaniques sympathiques. J’ai par exemple ouvert une porte pour obstruer partiellement le cône de vision d’un ennemi tenace et utilisé le tonnerre pour camoufler mes attaques. Et si j’ai pesté contre l’ia parfois omnisciente ou championne de tir, les développeurs lui ont dans l’ensemble greffé des comportements crédibles qui font plaisir à voir, comme la fouille des cachettes -là où en général, la moindre porte devient asile- et des tactiques de combat agressives plus évoluées que l’arrivée des troupes en rang d’oignon. Enfin, le jeu intègre un mode coop, addition rare pour être notée.

Varsovie attend votre aide

Malgré d’évidentes imperfections et une difficulté mal calibrée, 63 days possède suffisamment de charme et de qualités pour nous immerger 20h dans son univers. Il nous propose un voyage intéressant dans une Varsovie éteinte, mêlant puzzle tactique et narration touchante, que je recommande à tout amateur du genre sous réserve d’être résistant aux réalisations un tant soit peu bancales. J’espère maintenant voir un troisième volet, plus ouvert, plus permissif et mieux fini, pour profiter avec plus de fluidité et moins de frustration du savoir-faire évident de Destructive Creations en la matière.

Intéressé par 63 Days ? La page steam du jeu.

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