Je continue ma longue exploration des city builders avec la découverte de Bastide, jeu de gestion médiéval à petit budget, développé par un seul développeur et disponible en accès anticipé depuis février 2020.


Dans la vie paisible du XIIIème siècle
Inspiré par Banished, Bastide vous charge du développement d’un village du XIIIème tout en mettant l’accent sur l’aspect survie de votre peuple. À l’instar du célèbre jeu de 2014, il vous lâche au milieu d’un paysage sauvage, à la tête d’une poignée de paysans prêts à travailler pour assurer l’expansion de votre cité et survenir à leurs besoins primaires. Votre objectif initial : survivre au premier hiver. Une tâche plus facile à dire qu’à faire, qui nécessite entre autres la construction des structures vitales du village pour assurer la production de nourriture et de vêtements chauds en quantité suffisante. Sinon c’est l’hécatombe.
Le jeu s’articule autour d’une mécanique de population basique, avec l’arrivée de nouveaux habitants si vous possédez des logements libres et le départ des personnes insatisfaites, chacune possédant en effet leur propre degré de bonheur. Monsieur X vit-il dans un logement de fortune ou une maison avec une isolation décente et la possibilité de se chauffer au bois ? Possède t-il des vêtements adaptés à la saison, des chaussures, des outils ? Votre village produit-il du fromage, de l’alcool, du pain ? Avez-vous instauré une loi qui le pénalise ? Bastide reprend la mécanique des simulateurs de colonie où chaque habitant est une personne à part entière, avec son niveau de bonheur, ses traits de caractère et ses capacités intellectuelles. À vous de faire le nécessaire avec les moyens du bord pour contenter un maximum de monde et faire croître votre cité.
Bastide surprend en premier lieu par la beauté qui le caractérise. Sans atteindre la précision visuelle de Manor Lords, Bastide séduit, appuyé par la puissance du Unreal Engine 5 pour nous servir de superbes effets de lumières et des changements météorologiques réalistes qui animent un environnement détaillé et grouillant de vie. C’est simple, ils donnent envie de traverser l’écran pour admirer avec notre tribu le lever du soleil ou la neige tapisser le sol. Pour un projet solo vendu 11€, Bastide se dote d’un potentiel contemplatif remarquable.




Un rude retour à la réalité
On se heurte cependant vite à la difficulté du titre qui nous extirpe de notre état méditatif. Ou du moins, son caractère punitif prononcé qui laisse peu de liberté en début de partie. Avec 6 paysans sous vos ordres vos possibilités restent limitées, tout comme vos ressources de départ, alors que vous avez pourtant tout à faire. Un pas de travers et vous n’aurez plus de bois. Un autre et votre population finira vite affamée. Un autre et vous n’aurez pas suffisamment de vêtements chauds ou de médicaments pour affronter le premier hiver. Le jeu laisse l’impression de devoir suivre une trame précise sous peine de commencer la seconde année en mauvaise posture.
Il faut dire qu’il ne nous aide pas beaucoup en conseillant de construire des bâtiments peu adaptés au démarrage, comme la forge qui nécessite à elle seule 3 autres constructions et autant d’employés pour fonctionner. Mais le plus agaçant reste le manque flagrant d’informations et de tutoriel. Bastide est cryptique, avec ses infobulles aussi rares qu’illisibles et l’absence totale d’explications quant au rôle de certaines ressources et au fonctionnement des structures. Quel est l’impact de l’intelligence de nos sbires, à quoi sert la fabrication de bougies, pourquoi les pâturages et les chasseurs ne produisent plus de cuir alors que c’est une ressource vitale et que je possède des dizaines d’animaux ? On en sait fichtrement rien. Quelle est la consommation mensuelle de nourriture ? Aucune idée non plus, mais n’accordez pas trop de confiance à la fluctuation du stock car les villageois dilapident occasionnellement la réserve générale pour garder de la nourriture chez eux. Un titre à priori exigeant qui n’indique pas le taux de production et de consommation des ressources relève du non sens. Tout comme un jeu qui nécessite d’arpenter les forums pour trouver des réponses à des questions pourtant basiques. Le comble c’est que Bastide se révèle au final très simple dans ses mécaniques, avec aucune sous-couche de complexité et des chaînes de production nécessitant pour la plupart seulement 2 ou 3 bâtiments, de l’extraction de la ressource brute jusqu’à la transformation finale. Si j’ai recommencé ma partie 5 ou 6 fois pour survivre correctement à la première année, le jeu devient nettement plus facile par la suite à l’exception des vagues grandissantes de bandits qui attaquent votre village si vous activez les invasions. Votre production de vivres, vêtements et médicaments logiquement sous contrôle, votre concentration se dirige dorénavant vers le bonheur de votre population avec la fabrication des biens de confort et de plaisir. Comptez 3 heures de jeu, accélérations temporelles incluses, pour construire la totalité des structures disponibles. Passé ce cap, vous pouvez continuer à faire la même chose pour voir votre cité grandir, mais sans défi supplémentaire ni nouvelle chaine de production à préparer. Personnellement, je n’en ai pas eu envie.
Le titre possède pourtant des bases solides, comme un placement libre et organique des bâtiments -en opposition avec la pose en grille- et près de 60 ressources, mais le rythme est très lent. Tout prend un temps de dingue pour être accompli et il y a peu de choses à faire entre deux “projets” sinon attendre. J’ai passé la majorité de ma partie en vitesse x5, à patienter le temps que mes ouvriers finissent une construction, que les pâturages se remplissent de bêtes, que de nouveaux habitants arrivent, que j’obtienne suffisamment de carrelage… Le jeu n’occupe pas assez et limite le multi-tâche. Il se déroule de façon passive, sans excitation. Comme un jeu contemplatif tiens. Le plus loufoque dans l’histoire, c’est que les villageois courent tout le temps comme des dératés, même pour parcourir 5 mètres. Ils doivent sentir que l’on s’impatiente.




L’accès anticipé sans fin
5 ans après son lancement, soit l’équivalent d’un siècle dans l’univers du jeu vidéo, l’accès anticipé suit son court avec une feuille de route détaillée accessible depuis le menu du jeu. Le jeu avance à un rythme faible mais il avance. Il semble cependant se concentrer sur des corrections plus que sur l’ajout du contenu. Un mal nécessaire car j’ai pu observer des comportements douteux -mais sans gravité- de la part de nos habitants, comme ne pas emprunter les routes ou ne plus utiliser le chariot pour transporter plus rapidement les matériaux de construction (ils prennent du coup plus de temps pour transporter les matériaux vers le chantier que pour construire le bâtiment). L’équilibrage des chaînes de production m’a de plus semblé inégal, avec une facilité déconcertante à obtenir certaines ressources en quantité industrielle et le besoin de construire une multitude de carreleurs pour produire le carrelage nécessaire à la construction d’une simple maison. N’attendez simplement pas un patch de contenu majeur pour les prochaines semaines et considérez le jeu comme complet, même si j’espère qu’il se verra étoffé de nouveaux bâtiments et de chaînes de production plus complexes pour densifier l’expérience et motiver à continuer notre partie.




Un joli projet solo face à une concurrence bien armée
Si je demeure hermétique à la formule proposée, Bastide reste dans l’ensemble bien réalisé et saura trouver son public. Un public qui apprécie les bacs à sable légers au rythme lent et à tendance méditative. Mais aussi un public indulgent, qui acceptera la courbe d’apprentissage un peu raide du jeu résultant de ses tendances cryptiques. Si c’est votre cas jetez un œil à Bastide, le jeu possède les capacités pour vous amuser à moindre coût. N’attendez simplement pas de lui un profond et addictif city builder au risque de rester sur votre faim. Pour ça, il y a d’autres jeux.
Page steam de Bastide | Tarif : 10.99€ || Voir aussi :







