Alors que j’achève non sans fierté la dalle de mon abri de jardin, je me prends à rêver. Fort d’une indéniable expertise en gros œuvre que cette réalisation m’aura apporté, je sens mes ailes pousser et me mets naturellement à imaginer de plus grandes entreprises. Des milliers d’engins et de véhicules travaillant de concert, 24 heures sur 24 s’il le faut, pour m’aider à devenir le plus grand industriel de tous les temps. Mais faute de pouvoir réaliser ce rêve du fait d’une administration bien trop contraignante, je me rabats sur Captain of industry. Sage décision.

Captain of Industry est un jeu très long et les images de ma partie ne rendent pas honneur à son potentiel. J’ai donc ajouté, une fois n’est pas coutume, des captures officielles aux miennes pour vous donner un meilleur aperçu.
Genèse d’un empire
Arrivé sur une île déserte avec un bateau plein à craquer de matériaux en tout genre, votre objectif, que dis-je, votre vision, est de transformer ce territoire idyllique en un colossal complexe industriel que seules les limites de votre ambition arrêteront. Le principe : extraire les ressources naturelles de l’île et concevoir des chaînes de production pour les transformer, le tout en gérant avec précision la logistique de cet empire étendu car ici, rien ne se fait par magie. Une formule à priori classique, seulement Captain of Industry entend pousser chaque concept et imbriquer ces pans comme il se doit pour devenir un indispensable du genre.
Sur le même principe que Timberborn, cousin proche à de nombreux égards, Captain of Industry ne donne pas d’objectif. Passé les défis d’introduction qui durent quand même une bonne douzaine d’heures, le jeu montre ses penchants de bac à sable et vous laisse libre court dans une immensité de contenu capable de vous accrocher des milliers d’heures, sous la seule réserve d’être à l’aise avec l’idée que vous définissez vous-même vos propres enjeux. Je tiens cependant à rassurer ceux qui, comme moi, n’aiment pas les bacs à sable. Il y a tellement de choses à optimiser ou construire que la simple évolution de votre usine se suffit d’elle-même.


Un véritable champ de mines
Loin du traditionnel système utilisé par la quasi-totalité des jeux de gestion, l’exploitation des ressources dans Captain Of Industry se veut organique et un tantinet plus complexe. En vous aidant de l’outil à disposition pour repérer les sources de richesse, et à l’exception d’une poignée de matières premières, il vous faudra creuser l’environnement avec des pelles mécaniques pour obtenir le minerai ou matériau tant convoité. Ce qui est fabuleux, c’est cette possibilité de pouvoir creuser de façon crédible toute l’île à votre guise et sur des dizaines de niveaux de profondeur, pour remodeler le terrain ou simplement chercher ce gisement d’or situé bien en dessous du niveau actuel. Mais attention, n’oubliez pas de façonner des voies d’accès praticables et de monter des murs de soutènement lorsque le besoin se fait ressentir, car le jeu simule la physique du terrain pour le meilleur et surtout le pire (méfiez-vous du sable !). Cerise sur le gâteau : la ressource désirée se trouve en général mélangée avec d’autres (par exemple de la terre) et il faudra procéder à un tri avant toute exploitation. Dans Captain of Industry rien ne se perd ! Si vous n’utilisez pas ce que vous ramassez il faudra le jeter dans la nature. Construisez des rampes d’accès, une extension de votre île ou procédez à un nivellement du terrain, ce sera plus utile qu’un tas de gravats. L’outil pour creuser ou déverser se révèle puissant, et s’il nécessite un peu de pratique pour être bien compris, planifier et observer en temps réel cette terraformation massive demeure étrangement satisfaisant. Un vrai rêve de gamin transposé au format numérique.



À la recherche de toujours plus de chaînes
Une fois les mines fonctionnelles il vous faudra concevoir les usines capables de produire et transformer des ressources de tout type, de la plaque de fer au microprocesseur en passant par la pièce mécanique ou le fluorure d’hydrogène. La liste des produits est vertigineuse, plus de 150, et dépendante d’un arbre technologique tout aussi intimidant qui nous inonde en continu de nouveaux bâtiments. La finalité de ce dernier ? Automatiser votre usine, carburer au nucléaire et envoyer des fusées dans l’espace pour dévier des astéroïdes et les faire s’écraser sur l’île. Ce sont, après tout, des sources inégalées de terres rares.
Cet aspect du jeu reste dans la veine de ce qui existe déjà, en plus détaillé du fait d’une prise en compte des résidus issus de la transformation (à récupérer ou évacuer) et de la complexité grandissante des chaînes de production en parfaite adéquation avec la richesse du jeu. Illustrons avec un exemple rencontré en début de partie : former une plaque de cuivre nécessite de faire fondre le minerai avec du charbon, de le mouler puis de purifier la plaque obtenue avec de l’eau. Vous obtiendrez au terme de ces 3 étapes des scories et des gaz d’échappement en sus du produit fini, qu’il faudra gérer sous peine de bloquer la production. Fait intéressant, il est possible de fabriquer un produit via différentes recettes, pour améliorer le rendement ou justement utiliser les éléments à disposition. Un mot sur l’ergonomie, remarquable pour un jeu d’une telle profondeur. On se bat rarement avec l’interface, même pour des placements délicats de modules ou de tapis.


De l’importance d’une bonne logistique
Si Captain of Industry séduit avec son volet d’extraction organique et la richesse de son système de production, son attrait atteint de nouveaux sommets lorsque l’on explore le pan logistique du jeu.
Le bon fonctionnement de votre empire industriel dépend des engins et des véhicules qui travaillent à toute heure et par tous les temps. Les pelles creusent, les abatteuses coupent les arbres et les camions transportent les ressources vers les différents lieux d’utilisation ou de stockage et les chantiers. Pour bien fonctionner, tous nécessitent du carburant et des pièces de maintenance à produire en quantité suffisante avant de songer à l’augmentation de votre flotte. S’il devient possible, au fil de votre progression, de construire des variantes plus évoluées de ces véhicules, la clé de votre réussite réside dans l’optimisation de leurs déplacements. Bouger moins pour travailler plus. Spécialisez des camions dans le transport de carburant pour éviter d’incessants trajets vers la station à vos engins. Assignez vos camions à des itinéraires, des secteurs ou des bâtiments précis. Pensez votre usine en amont pour minimiser les longs transferts de ressources, pavez le sol de revêtements pour limiter les coûts d’entretien des véhicules, puis établissez de nouvelles méthodes pour transférer vos matériaux. Les différents tapis et tuyaux allègent le travail de vos camions et assurent un flux permanent de matières d’entrée à vos machines de production. Le train facilitera ensuite le transport aux quatre coins de l’archipel, mais à un coût de construction beaucoup plus élevé. Je regrette en revanche l’impossibilité de tracer de vraies routes que les véhicules suivront automatiquement, contrainte à priori trop lourde pour le moteur qui simule déjà beaucoup de choses. Ces derniers privilégient toujours le chemin le plus court, quitte à rouler dans la terre en parallèle de la voie tout juste bitumée… Pour bénéficier des bienfaits des revêtements il faut donc paver plus que nécessaire ou cloisonner les véhicules avec des barrières et des structures diverses. Mouif.
Toute erreur au sein de votre organisation se verra punie par l’apparition de goulots d’étranglements capables de paralyser votre entreprise. Rien de grave cependant, à moins de jouer en difficile Captain of Industry se montre indulgent et il en faut beaucoup pour empoisonner une partie. Réduisez votre masse de travailleurs, renforcez la production des principales matières premières et votre activité repartira de plus belle. Le jeu propose une difficulté réglable dans le détail pour ajuster l’expérience selon vos envies, inutile de se faire du mal avec les options punitives réservées aux vétérans.
Le jeu augmente cependant et sans cesse en complexité, et il se peut que passé un certain palier vous abandonniez votre partie. Ce n’est pas grave. J’ai ressenti un gros pic vers le tiers de l’arbre technologique où je me situe actuellement. Il me faut à la fois augmenter considérablement la production existante et ajouter de nouvelles chaînes conséquentes que je peine à visualiser dans mon usine mal organisée. À l’image du randonneur qui découvre derrière la montagne un sommet de plus à gravir pour terminer son périple, le joueur de Captain of Industry se heurte à plusieurs reprises à un mur de complexité qui nécessite de tout réévaluer alors que la situation devenait sous contrôle. Et dans les cas les plus extrêmes, ce mur nécessitera en sus d’un effort cognitif intense une refonte partielle de votre empire fondé à la sueur de votre front. Ne voyez pas l’abandon comme un échec mais simplement comme la fin d’un riche voyage au dénivelé sans fin qu’il faudra bien arrêter un jour.



Exportez votre savoir-faire au delà des frontières
En parallèle du développement industriel de votre archipel, vous pouvez missionner votre bateau pour explorer les îles voisines et libérer la région des pirates qui rôdent. Au-delà des matériaux trouvés, vous croiserez des structures à réparer (comme une plateforme pétrolière à l’intérêt évident) et rencontrerez des colonies ouvertes pour commercer sous forme d’échanges éphémères ou de contrats d’approvisionnements réguliers. Il s’agit là d’un volet secondaire, fonctionnel sans être palpitant mais fort utile pour le développement général, pour se sortir d’une mauvaise passe ou pour se débarrasser d’un surplus encombrant.
Et les habitants dans l’histoire ?
Mais qui fait tourner les usines, qui conduit les véhicules ? Et bien… la population de votre colonie, que vous ferez croître en attirant les réfugiés avec votre phare. Captain Of Industry intègre un léger volet de citybuilding vous chargeant de fournir des logements et le nécessaire pour que vos citoyens restent heureux et en bonne santé. Si tel est le cas, vous gagnerez des points d’unité, joker du jeu utile à différentes fins (double une production, transférer immédiatement les matériaux de construction, vider par magie un entrepôt ou un camion…), autrement les habitants fuiront, laissant vos usines vacantes. Le principal sujet du city-building : la nourriture, produite depuis un étonnant système de ferme et de fertilité des sols qui s’étoffe avec le temps. Installez des systèmes d’irrigation automatique, concevez des engrais et du compost, planifiez des périodes sans culture pour régénérer les sols… c’est la première fois que je vois un système aussi poussé, d’autant plus dans un jeu qui simule avec légèreté la gestion de la population. Enfin, toute réflexion faite, je me demande si le principal sujet ne serait pas plutôt la pollution, néfaste à la santé de vos citoyens et donc capable d’annihiler toute notion de bonheur si non maîtrisée.


Polluez, mais pas trop près s’il vous plait
Car oui, vos activités génèrent de la pollution sous différentes formes qu’il faudra chercher à contenir le temps de développer des solutions plus écologiques. Que faire des déchets de vos citoyens, des rejets gazeux et liquides de vos usines ? Et bien au début, rien. Vous érigerez des montagnes de détritus, vos cheminées cracheront les pires saletés dans l’air et vos circuits liquides termineront leur course dans l’océan, faute de mieux. L’impact sur le bonheur et la santé de vos citoyens est considérable, il faut de ce fait prêter attention à votre vitesse de développement le temps de mettre en place des solutions “vertes”. Sans ouvrir un quelconque débat sur le sujet, je reconnais avoir été frappé de culpabilité lorsque j’ai construit ma double aciérie, tant elle crachait la mort avec ses 5 grandes cheminées. Et de satisfaction éphémère lorsque j’ai entamé la construction d’un pont inter-îles en jetant des tonnes de détritus et de pierre à la mer (puisse la providence me confirmer la solidité de cette méga structure avant son inauguration). L’idée reste excellente. Elle ajoute une légère contrainte à nos ambitions et un nouvel axe de réflexion rarement rencontré avec autant d’importance.
Encore en accès anticipé ?
À l’instar de Timberborn, Captain of Industry demeure au stade d’accès anticipé depuis de nombreuses années. Et tout comme le simulateur de colonie de rongeurs, il s’agit là d’un statut illusoire dans le sens où le jeu se révèle déjà plus complet et stable que la majorité des titres existants. Quelques bugs mineurs subsistent toutefois, sans grande incidence sur le plaisir ou la progression. Si le jeu vous intéresse, vous pouvez y aller sans crainte.

Une pépite pour ceux qui aiment creuser en profondeur
Il faut bien limiter la longueur de mon article mais je pourrai continuer de parler de ce titre encore et encore. Captain of Industry est l’un des meilleurs jeux de gestion que je connaisse. Dans l’ensemble intuitif et assurément permissif, il s’ouvre avec douceur à un public non initié -et motivé- pour peu que son thème un peu froid ne rebute pas. D’une profondeur rarement rencontrée et -presque- sans limite, il répondra aussi aux exigences des experts qui apprécieront en outre le sens du détail de la petite équipe de MaFi Games. Il va de soi qu’avec de telles qualités, Captain of Industry comble totalement mes attentes alors qu’il me reste tant à découvrir de ce petit bijou dont j’ai seulement gratté la surface.
Page Steam du jeu | Tarif : 33.99€
Merci pour ce test (vu l’avis sur Steam)
Avec plaisir ! Merci pour votre passage et votre commentaire.
Bonjour, parfait votre résumé ! Il m’a décidé à acheter ce jeu (il était en réduction en plus). Vous mentionnez à plusieurs reprises l’excellent Timberborn, mais ce jeu me fait d’avantage penser à Factorio en moins daté graphiquement et beaucoup plus organique d’où le mon plus grand attrait pour Captain of industry. Faites vous des vidéos de vos parties sur Twitch ou YT ? Si oui, je les regarderai avec grand plaisir.
Captain of Industry ressemble effectivement à un Factorio “light” et plus organique. Mais il intègre aussi une gestion de la population et des travailleurs (leur nombre, leur bonheur, la nourriture à produire…).
Pour l’instant je ne fais pas de vidéos. Ce serait un moyen de me faire un peu plus connaître (et potentiellement d’attirer l’oeil de plus d’éditeurs) mais je n’ai pas encore bien étudié le sujet.
Bonjour, parfait votre résumé ! Faites vous des vidéos de vos parties ?
Bonjour Nicolas, je suppose qu’il s’agit d’un commentaire en doublon mais dans le doute j’y réponds.
Pour l’instant je ne fais pas de vidéos. Ce serait un moyen de me faire un peu plus connaître (et potentiellement d’attirer l’oeil de plus d’éditeurs) mais je n’ai pas encore bien étudié le sujet.
Je suis immergé dans ce jeu depuis maintenant 15 jours, et passé la découverte et les erreurs, je m’aperçois que ce jeu a un potentiel bien plus important que je pensais. La profondeur du gameplay et la qualité technique du builder en font pourmoi la référence absolue des jeux de gestion de ressources et de construction. J’ai joué à d’innombrables builders, c’est le meilleur. De plus il est très bien optimisé et le code est réactif.
Mais une fois que l’on a déjà déjà plusieurs parties au compteur, c’est là qu’interviennent les plans. Cela change considérablement le jeu et le fait passer en mode expert digne de ce nom. On se prend pour un ingénieur et on construit des trucs énormes aen mélangeant selon les besoins les plans dont la base de donnée foisonnent de tout. C’est jubilatoire.
Je n’ai pas trop aimé le gameplay du bateau par contre, il y avait mieux à faire et c’est assez scripté.
C’est un peu le marché d’échange kukenbois pour dépanner.
La map va considérablement influencer le gameplay et la stratégie. C’est cette variété environnementale qui va casser la méta en nous obligeant à nous adapter et à favoriser tel ou tel branche scientifique.
J’aurais aimé un peu de card driven à la surviving mars sur l’arbre des technologie afin de casser encore davantage la méta mais c’est histoire de chipoter.
Un chef d’oeuvre qui fera date.
Entièrement d’accord ! Je suis d’ailleurs curieux de voir ce que MaFi nous réserve pour les prochaines mises à jour.
Avez-vous testé Soviet Republic ?